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que les membres dissidens du clergé métropolitain ou des évêques engagés dans la lutte contre l’hérésiarque. L’aversion de Pulchérie pour Nestorius était due en principe à un motif religieux (car la savante fille restait dévouée à la doctrine traditionnelle dont ses études lui démontraient la vérité) ; mais des ressentimens personnels étaient venus encore envenimer dans son cœur l’aversion du sectaire.

Nestorius s’était cru assez fort dans l’esprit de l’empereur pour lutter de front contre Augusta elle-même. Intrigant et indiscret, il n’avait pas manqué d’observer dans les relations de la famille impériale certaines choses qui lui donnaient prise sur elle. Il avait constaté d’abord que Théodose nourrissait une secrète jalousie contre cette sœur qui l’avait élevé, et avait fait fleurir son gouvernement alors qu’il n’était lui-même qu’un enfant. Ces services semblaient lui peser ; la considération dont l’ancienne régente continuait à être entourée le gênait comme une diminution de la sienne, et il y avait assez de gens pour lui répéter que le peuple voulait un souverain et non le pupille d’une femme. Que Nestorius fût des premiers à se servir de ce honteux moyen pour annuler le pouvoir d’Augusta, la suite des faits ne laisse pas de doute à cet égard. Le patriarche avait aussi remarqué la préoccupation constante de Pulchérie pour Paulinus, l’ami de son frère et celui de l’impératrice. On y voyait l’indice d’une passion secrète que la chaste fille comprimait le plus qu’elle pouvait, mais qui éclatait néanmoins malgré elle. La malignité publique s’était sans doute exercée sur le sort de cette jeune femme, qui s’était jugée assez forte à l’âge où l’on ignore le monde pour s’engager sans regret dans la vie religieuse, et ce regret paraissait lui être venu, quoiqu’elle le combattît vaillamment. Si les chuchotemens de la malignité et les railleries des courtisans étaient parfois arrivés jusqu’à elle, elle les avait foulés aux pieds avec mépris : ces traits empoisonnés ne l’atteignaient pas. Nestorius osa s’en faire contre elle une arme de vengeance. Sous le masque d’un évêque qui réprimande une de ses subordonnées du cloître, il lui reprocha des sentimens qui n’étaient que trop visibles dans son cœur, l’avertissant que pour une épouse du Christ comme elle de tels sentimens la mettaient en état d’inceste vis-à-vis de son divin époux. La fière descendante du grand Théodose sut rappeler au respect de sa personne et de son nom le prêtre indiscret ou méchant qui osait lui tenir un tel langage. De ce jour, nous dit un historien, son aversion pour Nestorius se changea en une haine qui poursuivit celui-ci jusqu’à l’exil et à la mort. Ces faits, dont les contemporains ne disent pas un mot, mais que nous trouvons dans un compilateur grec du moyen âge, Suidas, ont été puisés par lui, suivant toute apparence, chez les auteurs nestoriens. Quoique les partis religieux, comme les partis politiques, soient ingénieux à