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Nestorius aurait dû savoir. Il aurait dû savoir aussi, lui qui repousse le titre de mère de Dieu comme une nouveauté, que ce mot se trouve dans les anciens pères, particulièrement dans Origène et dans Eusèbe, qui nous dit à propos de Constantin que la mère de cet empereur, la très révérée Hélène, construisit sur la sainte caverne de Bethléem une basilique à la glorification de la vierge mère de Dieu. » Les appréciations étaient, comme on le voit, très diverses ; mais les haines se prononçaient avec acharnement, et l’idée de mettre en accusation l’archevêque fit son chemin dans beaucoup de têtes. Lui cependant faisait face fièrement aux attaques : l’esprit de système l’avait rendu intolérant, la lutte le rendit cruel.

Réunissant autour de lui quelques évêques de passage à Constantinople, il en forma un conciliabule dont les décisions le couvrirent quand il voulait sévir contre tel ou tel de ses prêtres. Il en suspendit ou en chassa de cette façon les plus ardens, sans oser pourtant toucher à Proclus, que le respect public protégeait. Les prêtres qui ne voulaient pas baisser honteusement la tête sous ce rude bâton pastoral choisissaient des églises modestes et des chapelles où, loin de la surveillance de l’évêché, ils endoctrinaient les fidèles tout autrement que ne voulait l’évêque. Celui-ci, ayant découvert qu’un de ces rassemblemens avait lieu dans une petite église située près de la mer, obtint du préfet qu’on y envoyât des soldats pour châtier les séditieux. Les soldats vinrent, s’emparèrent des piètres, et chassèrent les fidèles à coups d’épée. Cette expédition épiscopale ne fut guère du goût du peuple de Constantinople, qui criait pendant que les soldats frappaient : « Nous avons un empereur, nous n’avons pas un évêque ! »

Le palais impérial n’était pas resté exempt des agitations qui troublaient la ville, et la paix s’en retirait peu à peu. Dans la partie réservée à l’empereur, à la cour, au gouvernement, Nestorius triomphait ; nul n’aurait osé y soutenir Marie théotocos. Théodose était le premier nestorien de son empire. Après lui, chacun cherchait à l’être suivant sa mesure : les chambellans d’abord, comme plus attachés à l’empereur, puis les fonctionnaires et les ministres. L’ancien mendiant de Germanicia avait aussi sa cour, ses flatteurs, ses protégés. Le grand eunuque Chrysarète et le préfet du prétoire Antiochus s’honoraient d’être ses amis. Dans le nombre, il y en eut quelques-uns qui lui furent fidèles parce qu’ils partageaient sincèrement ses doctrines : un très haut personnage, le comte Irénée, que nous verrons jouer un rôle dans ces récits, quitta sa change pour se faine évêque nestorien, et fut englobé dans la disgrâce de son maître. D’un autre côté du palais, dans le quartier des vierges-reines, la scène était toute différente : le nom de Nestorius n’y était prononcé qu’avec horreur, sa présence y était à peine soufferte. On n’y voyait