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Toutes les fois qu’on citait les républiques anciennes, celles de l’Italie au moyen âge, l’exemple plus rapproché de 1793, pour prouver les excès possibles de la démocratie, on renvoyait dédaigneusement ces exemples dans le passé, et on invoquait le progrès. La commune de 1871 doit nous rendre moins pleins de mépris pour cette expérience du passé, puisqu’il paraît décidément que le monde a moins changé que nous ne le croyions. La dureté des procédés avec lesquels s’est comporté l’impôt sur le capital, toutes les fois que le parti démocratique a été le maître, est donc loin d’avoir perdu toute valeur d’enseignement pour nos contemporains. La démocratie athénienne a connu l’impôt progressif sur le capital. C’est du moins à peu près l’équivalent de cette taxe qu’on reconnaît dans l’eisphora. Les moyens d’application étaient inexorables. Les particuliers riches sur qui il pesait faisaient eux-mêmes les déclarations soumises au contrôle. Je ne rappellerai pas ce qu’il y avait de dur dans les mesures connues sous les noms d’antidosis et d’apophansis ; mais quelle disposition que celle qui transférait, quand la révélation était justifiée, au dénonciateur les trois quarts de la fortune qu’il avait fait connaître ! Aujourd’hui on parle de laisser à l’état un droit de préemption en cas de déclaration fausse. Faut-il tenir pour incorruptibles et pour infaillibles les fonctionnaires qui seraient chargés d’appliquer un système si inquiétant à la France entière ? Est-on sûr que la démocratie sera toujours trop scrupuleuse pour assigner une récompense au dénonciateur ou à l’agent qui aurait découvert la fraude ? Laissons les exemples antiques, Corinthe, où les fausses déclarations étaient punies de mort, Rome, où, en vertu de l’institution du cens établie par Servius Tullius, les citoyens qui ne s’y soumettaient pas voyaient leurs biens confisqués, étaient battus de verges et vendus à l’encan comme esclaves, et où les fausses déclarations étaient punies comme à Corinthe. Non, nous n’avons plus à craindre ni verges, ni encan, ni esclavage ; mais la confiscation et la mort sont-elles aussi passées de mode ? Peut-être accordera-t-on que l’analogie serait un peu moins éloignée avec la république florentine. Il est très vrai que les riches, soit nobles, soit marchands, y fraudèrent l’impôt établi sur le capital tant qu’ils purent ; mais comment mettre d’accord avec la liberté républicaine un tel excès de surveillance et de terreur, la dénonciation, régulièrement organisée, des boîtes établies aux portes des quatre principales églises, et ouvertes la nuit comme le jour, pour recevoir les dépositions des délateurs, des peines terribles, pour les cas de non-paiement de l’impôt, inscrites dans les statuts, le défaut de déclaration ou la fraude entraînant la confiscation de la moitié des biens ? Les nouveaux défenseurs de l’impôt sur le capital, qui lui attribuent toutes