Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres emplois bizarres. N’est-il pas à craindre qu’on fasse jouer au fisc un rôle aussi ridicule et qui n’aboutirait qu’à l’impuissance ?

Le résultat de ces difficultés, comme d’atteindre les clientèles, les offices, etc., d’une manière proportionnelle, est toujours le même : on se lance dans un système d’exemptions, de soulagemens, de surtaxes des plus compliqués, des plus harsardeux, et presque inévitablement dans une application de l’impôt progressif qui cherche tant bien que mal à mettre en ligne ces différences, à avoir égard à tant de cas particuliers si difficiles à apprécier. La taxe sur le capital est progressive très souvent en Amérique et dans les autres pays où elle existe. Elle l’est à Hambourg, où ceux qui possèdent plus de 50,000 marcs y contribuent pour 4 2/3 pour 100 du revenu de ce capital. Les fortunes entre 500 et 50,000 marcs y sont réparties entre sept catégories payant des quotités variables depuis 1/2 jusqu’à 3 pour 100 de leur gain ou revenu. Au-dessous de 500 marcs, il y a exemption d’impôt. Je ne cite cet exemple que pour donner une idée des complications auxquelles on arriverait avec un tel impôt généralisé. La taxe elle-même varie, dans la pensée de tenir compte des diversités de revenu, de 4 à 6 pour 100. De même que chez nous pour la taxe locative, cette progression limitée ne peut-elle être combinée en vue d’atteindre une certaine proportionnalité au revenu dont elle ne conteste et ne prétend pas attaquer la base ? Toujours est-il que la progression, quelle qu’ait été l’intention du législateur, marche avec cet impôt, ce qui n’est pas sans conséquence pour nous. Il y a tel petit état qui à cet égard est rempli pour ainsi dire d’enseignemens. Ainsi à Brème on a l’impôt progressif sur le capital, auquel est soumise toute fortune égale ou supérieure à 1,000 thalers, d’après un tant pour cent déterminé. Cette proportion est abaissée d’un tiers pour les fortunes de 1,000 à 3,000 thalers, comparativement à celles qui atteignent ou dépassent ce dernier chiffre ; le schoss, d’un quart pour 100, descend à un sixième pour 100 à l’égaré des fortunes de 1,000 à 3,000 thalers. Ne vous semble-t-il pas que tout cela s’enchaîne ? On marche tantôt au sacrifice injuste, effronté du riche, devenu le paria de l’impôt, comme c’était à Florence, tantôt, comme en Allemagne et ailleurs, à la recherche d’une certaine égalité par dès voies trop indirectes pour que cette égalité soit atteinte. On se lasse de répéter que s’en fier à un tel système, devenu le système général d’impôt, pour réaliser l’égalité, c’est, malgré l’apparence, créer des inégalités véritables.

L’impôt sur le capital, à mesure qu’il se rapproche de l’idéal de l’impôt unique, paraît moins que tout autre se prêter à ce ménagement pour la liberté individuelle que la démocratie n’a pas le droit de fouler aux pieds, sous peine de n’être plus que la démagogie.