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Amérique, en Suisse, dans l’Allemagne même. On peut ne pas admettre avec M. Léon Faucher que l’impôt partiel sur le revenu soit nécessairement progressif, et que ce soit « un écart de logique » de ne pas le rendre tel. Pour qu’un tel genre d’impôts soit accepté, il faut cette nécessité bien reconnue qui s’est presque toujours déclarée par des circonstances nées de la guerre. J’ajoute que, pour qu’il constitue un progrès, il faut qu’il soit, non pas un double emploi de taxes déjà existantes, mais une simplification, une réduction a un type supérieur et plus économique d’autres taxes que l’on supprime. Il est difficile de ne pas approuver en Bavière l’einkommensteuer, absorbant pour ainsi dire certaines contributions personnelles immobilières qui grevaient inégalement certaines parties du royaume (tel était notamment l’impôt personnel et mobilier établi suivant la loi française de l’an vii dans la Bavière rhénane, alors département du Mont-Tonnerre). Cette justification de l’impôt partiel sur le revenu ne saurait atténuer ici plus qu’ailleurs la condamnation portée sur l’impôt unique ou même seulement prépondérant qui multiplie les inconvéniens de l’impôt partiel loin d’en multiplier les avantages. Il ne suffit pas d’inscrire partout en grosses lettres le mot de démocratie. Défions-nous de ces grands mots. On dit : c’est l’idéal. À merveille ; si cependant les conditions qui le rendraient applicable se réalisent de moins en moins, si elles sont telles que toute tentative de faire passer cet idéal dans les faits rendrait l’arbitraire croissant, la tyrannie odieuse, la ruine certaine, ne faudra-t-il pas avouer qu’un tel idéal n’est qu’un mirage ? Supposer la perfection dans la nature de l’homme et dans les choses humaines, n’est-ce pas entreprendre, au lieu d’une guerre sainte, comme on paraît le croire, une lutte impie contre l’impossible ?


V.

Mais voici des docteurs plus infaillibles que les autres, qui tiennent enfin la vérité. Ils sont bien corrigés des erreurs sur l’impôt unique du revenu ; ils le jugent encore plus sévèrement que nous. La théorie qu’ils proposent est, assurent-ils, fort exempte de ces défauts ; non-seulement ils l’assurent, ils le font croire. Il est certain que les défenseurs de l’impôt sur le capital, ont gagné du terrain dans le parti démocratique sur les partisans de l’impôt du revenu. Ainsi l’impôt sur le capital se pose non en auxiliaire de l’impôt du revenu, mais en rival, que disons-nous ? en ennemi. Outre toute sorte d’avantages qui lui sont propres, l’impôt sur le capital aurait d’abord le mérite d’être exempt de tous les défauts de l’impôt du revenu. Il serait fâcheux que ce fût la proposition inverse qui fût vraie. Comment ne pas remarquer d’abord que cette