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s’exprimant sur ce genre de taxes d’un ton d’approbation qui paraîtrait un scandale à la plupart de nos radicaux français.

Le spectacle que nous donnent aujourd’hui les nations libres serait-il donc de nature à autoriser la thèse nouvelle ? En supportant même les abus des taxes indirectes, ces abus qu’elles songent à corriger, et qu’elles ont déjà fort réduits, voit-on qu’elles aient envie de renoncer à en faire usage, pour les remplacer par les taxes directes ? La question est assez importante pour qu’on y réponde avec un peu de soin. On cite la Suisse ; on a raison pour les budgets cantonaux, on a tort pour le budget fédéral, qui est le plus fort et qui provient surtout de la douane, de la poste et du monopole du sel ; les impôts sur les boissons y sont aussi notablement productifs. Aux États-Unis ; sur un budget total de recettes évalué pour 1871 à 393 millions de dollars, les douanes figurent pour une somme de 185 millions, les ventes de terre pour 5 millions, divers impôts pour 28 millions ; les revenus intérieurs, dans lesquels l’impôt direct tient une place d’ailleurs considérable, pour 175 millions de dollars. En définitive, le budget fédéral se compose pour une partie notablement supérieure de sommes ayant une autre provenance que les taxes directes. Les circonstances géographiques et commerciales entrent sans doute pour une part dans cette prédominance si marquée de l’impôt indirect. Les pays ayant un commerce maritime développé ont presque tous été amenés à tirer une grande partie, la plus grande souvent de leur revenu, de la douane, qui y demande moins de surveillance et de frais que dans les pays continentaux. Cette raison toutefois est loin d’être à elle seule suffisante. Pourquoi ne pas reconnaître le mérite qu’ont les taxes sur la consommation d’être le plus facultatif des impôts indirects ? En Belgique, sur un budget de 176 millions 1/2, les impôts directs n’en fournissent pas 40. Dans le royaume des Pays-Bas, sur un budget de recettes qui ne dépasse pas beaucoup 97 millions de florins (évalués à 2 fr. 12 cent.), la proportion de l’impôt direct est à peu près la même. En Italie, sur un total d’environ 805 millions de francs, et bien qu’il soit demandé beaucoup aux taxes directes (en effet, la propriété immobilière fournit environ 159 millions, la propriété mobilière environ 73), l’impôt indirect fournit un revenu de beaucoup supérieur ; c’est environ dans la proportion des deux tiers.

Voilà, ce me semble, des nations libres. Nulle part je n’y aperçois ce mouvement de retraite dont il serait question. Un sage esprit pourtant, un des hommes qui ont répandu le plus de lumières sur l’histoire comparée des impôts, M. de Parieu, prenant directement à partie pour la combattre la thèse de Montesquieu, a écrit dans ces derniers temps « que le travail de la liberté politique,