Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Propriété, l’a également prise à partie. Ils ont répondu qu’il est faux que la dette de chaque citoyen soit égale ; l’état ne protège pas pour tous la même quantité de biens, et tous n’ont pas une part égale aux jouissances et aux avantages garantis par l’action du gouvernement. En pratique, comment appliquer un tel système ? Un impôt égal ne pourrait être que très minime à cause de la multitude des pauvres et des gens peu aisés. À ce système, qui en définitive ne profiterait qu’aux riches, l’état perdrait tout, faute d’y puiser des ressources suffisantes pour pourvoir à sa tâche. Il faudrait, pour échapper à cet inconvénient, faire peser sur les plus aisés la totalité de la charge ; mais alors que deviendrait le système de l’impôt uniforme ?

C’est dans des systèmes plus vivans et plus populaires qu’il faut chercher aujourd’hui l’expression des théories radicales en matière d’impôt. Si elles ne résistent pas aux objections de principe que je viens d’indiquer, du moins méritent-elles d’être examinées avec soin. Elles ont séduit des esprits distingués par ce qu’elles offrent de spécieux ; elles plaisent à la masse par ce qu’il y aurait, à ce qu’elle pense, de palpable dans les résultats. Je me propose uniquement de m’occuper de ces systèmes qui ont quelque chance de se faire écouter par la démocratie française. Il y a telle théorie, tenant à la manière d’établir l’impôt, qui est ici absolument hors de concours, par exemple l’idée, qui a fait quelque bruit, de l’impôt-assurance ; elle mutile l’objet de l’impôt, en le réduisant à n’être qu’une prime de sécurité. L’impôt est tenu de satisfaire à d’autres besoins. Comment assimiler l’état, qui est un monopole et un monopole qui s’impose, à une compagnie d’assurances soumise aux conditions de la concurrence ? Jusqu’à ce qu’on ait découvert le moyen de faire coexister dans un pays sans anarchie deux ou trois gouvernemens rivaux auxquels on puisse s’adresser à tour de rôle, l’impôt restera ce que son nom même indique, une charge obligatoire et non volontaire. Les systèmes que je considère comme pouvant avoir quelques chances, non de réussir, mais d’être essayés, se réduisent à quatre principaux. L’un s’applique au principe même de la répartition, c’est le système progressif, si séduisant pour un peuple égalitaire par jalousie plus que par justice. Les trois autres se rapportent à la manière dont l’impôt est assis : l’un consiste dans la suppression des impôts indirects au profit des taxes directes ; les deux autres, qui ne sont qu’une formule rendue plus précise de cette dernière théorie, se définissent par l’impôt unique mis par les uns sur le revenu, par les autres sur le capital. À Dieu ne plaise que j’entende épuiser ces sujets ! Je ne veux examiner que les points de vue rajeunis par une discussion récente, que les