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en tête, cherchaient à imposer en échange de l’évacuation accordée en principe. Par une convention du 9 octobre 1818, il fut décidé que l’occupation cesserait le 30 novembre, et que toutes les dépenses qui s’y rattachaient cesseraient à la même époque ; la somme restant due par la France sur la contribution de guerre de 700 millions fut fixée à 265 millions, dont 100 millions payables immédiatement en rente 5 pour 100, au cours du 8 octobre, et 165 millions payables par neuvièmes, de mois en mois, à partir du 1er janvier 1819. On relira avec un grand intérêt dans l’Histoire du gouvernement parlementaire[1], par M. Duvergier de Hauranne, l’historique de ces négociations d’Aix-la-Chapelle, dont nous ne donnons ici qu’un bref résumé. Citons encore ce dernier trait. L’un des emprunts contractés pour payer la contribution de guerre avait été souscrit par MM. Baring et Hope, dont la signature pouvait se passer de garantie, et cependant voici ce qu’écrivait le duc de Richelieu, qui avait dirigé jusqu’au bout cette grande négociation. « Combien nous avons été heureux d’avoir ici Baring ! Avec la méfiance des Prussiens, nous n’aurions jamais fini, si nous n’avions eu un homme de cette solvabilité à leur présenter. Imaginez-vous qu’ils ont demandé que Baring eût pour caution vingt banquiers résidant dans les états prussiens, et ce n’est qu’à grand’peine que le duc de Wellington les a fait renoncer à cette ridicule prétention. » Que l’on ne s’étonne donc plus de l’insistance avec laquelle, pendant les négociations récentes, le cabinet de Berlin a demandé que la signature de la France pour le paiement des 650 millions fût cautionnée par des maisons de banque. Il avait trouvé le texte de cette clause dans les vieux dossiers de 1818, et il a cherché à le rééditer en 1871. M. Pouyer-Quertier a obtenu de M. de Bismarck qu’il n’y fût pas donné suite. Et en effet, si le duc de Wellington a pu dire en 1818 que l’idée de faire garantir la signature de M. Baring par vingt banquiers allemands était une prétention ridicule, il nous est bien permis de penser que la même garantie exigée en 1871 pour appuyer la signature de la France eût été tout au moins une précaution inutile.

Au lendemain de cette guerre funeste, dans laquelle toutes les passions comme toutes les forces de l’Allemagne se sont levées contre nous, alors que l’Allemagne est encore toute fière de nous avoir sans alliés rendu le coup d’Iéna, la France n’a point à compter sur la générosité du vainqueur, et d’ailleurs elle ne demande pas qu’il lui soit fait merci. Le penser, ce serait illusion et faiblesse d’âme. La seule chose que nous devions attendre de

  1. Tome IV, chapitre 17. Congrès d’Aix-la-Chapelle.