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l’amidon, les fécules, les matières tinctoriales, les produits chimiques, etc., propres aux apprêts dans les usines alsaciennes, jouiront successivement de la franchise, du quart de droit et du demi-droit jusqu’au 31 décembre 1872. En un mot, les négociateurs se sont particulièrement préoccupés de ménager les intérêts industriels de l’Alsace-Lorraine ; c’était un devoir pour la France de se montrer libérale envers ses anciennes provinces, et pour l’Allemagne de protéger sa nouvelle conquête. Cependant l’intérêt de la France a été sauvegardé par l’abréviation du délai, ce qui diminue les sacrifices du trésor et donne satisfaction au parti protectioniste, le seul qui, lors de la discussion parlementaire et dans la presse, ait exprimé quelques inquiétudes. Ajoutons que, par surcroît, les négociateurs français ont obtenu dans le même traité la rétrocession de quelques communes de la Moselle situées sur la frontière du Luxembourg, concession peu importante, mais qui avait été demandée sans succès depuis la signature du traité de Francfort, et dont il est juste de tenir compte.

Telles sont les dispositions des traités du 12 octobre. Nous leur devons l’évacuation de six départemens, une diminution notable de l’armée allemande sur notre territoire, la reprise de quelques parcelles du sol français, et nous achetons ces avantages au prix d’une simple anticipation de paiement et de quelques concessions douanières, à courte échéance, qui profiteront à nos anciens et malheureux compatriotes. On a vu combien les négociations ont été laborieuses, et l’on peut juger, par cet exemple, des difficultés auxquelles la diplomatie française doit faire face dans ses rapports avec le cabinet de Berlin. Il reste encore tant de questions à traiter ! En d’autres temps, et s’il s’agissait d’un autre objet, on aimerait à se féliciter d’un succès diplomatique. Nous n’en sommes pas là. Dans la situation que les événemens nous ont faite, nous n’avons pas d’adversaire de qui il nous soit encore permis de triompher. Le seul succès que nous puissions ambitionner en ce moment, c’est de plaider avec dignité devant l’Europe la cause de la raison, de prévenir ou d’écarter les abus de la force et d’amener nos vainqueurs d’hier à l’acceptation de conditions équitables, avantageuses pour eux-mêmes, dans le règlement d’affaires si compliquées, qui sont la douloureuse conséquence de nos désastres. Ce succès, le gouvernement vient de l’obtenir en rendant à elles-mêmes, à la France, les populations de six départemens. C’est le commencement de la libération définitive de notre territoire par la voie des négociations. Cela seul serait à nos yeux l’honneur des traités du 12 octobre.