Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyaient à la veille d’être délivrées de la présence des troupes allemandes éclatait en manifestations parfois compromettantes, qui ajoutaient aux difficultés réelles des difficultés d’amour-propre national. Tels étaient les embarras au milieu desquels la diplomatie française devait poursuivre les négociations qui n’avaient pas été un seul instant interrompues, et auxquelles M. le président de la république prenait lui-même la part la plus active dans de fréquentes conférences avec M. le comte d’Arnim, envoyé à Versailles par le cabinet allemand.

Plusieurs jours se passèrent en débats incessant, tant sur le régime douanier de l’Alsace-Lorraine et sur la question de réciprocité que sur les arrangemens financiers, pour lesquels le négociateur allemand persistait à exiger des traites éventuellement négociables en paiement de l’indemnité de guerre. Les instructions transmises à M. d’Arnim ne permettant pas d’espérer une solution, M. Pouyer-Quertier, ministre des finances, se rendit à Berlin, muni de pleins pouvoirs, pour traiter directement avec M. de Bismarck. Au point où en étaient les choses, après le vote de l’assemblée nationale et en présence de l’agitation que créait en Allemagne, en France et dans l’Alsace la divulgation officielle des conventions projetées, l’affaire avait pris les proportions d’une grosse question politique. L’Allemagne pouvait être moins pressée que la France d’arriver à une conclusion, puisqu’elle demeurait maîtresse de son gage en continuant à camper sur notre sol ; si elle conservait, faut-il le répéter ? le rôle prépondérant dans les négociations : , elle avait cependant à compter avec les intérêts de l’Alsace, qui étaient depuis trop longtemps en suspens, avec les vœux de ses troupes qui désiraient rentrer dans leurs foyers, avec l’opinion européenne qu’un vainqueur orgueilleux peut dédaigner en paroles, mais qu’il ne s’expose pas à braver inutilement par des exigences superflues ou exagérées. La mission de M. Pouyer-Quertier aboutit très promptement à la signature des traités du 12 octobre, dont l’un règle les arrangemens financiers, et l’autre la question douanière.

Le traité financier porte que six départemens seront évacués dans un déliai de quinze jours à dater de la ratification, et que l’armée allemande sera réduite à 50,000 hommes dans les six départemens restant occupés. Les 150 millions d’intérêt dus par le gouvernement français le 1er mars 1872 et les 500 millions dus le 1er mai seront payables par termes de 80 et 90 millions, de quinzaine en quinzaine à partir du 1er janvier. Le territoire des départemens évacués demeurera neutre au point de vue militaire ; c’est-à-dire que la France n’aura le droit d’y entretenir que la force armée nécessaire pour le maintien de l’ordre. D’après ces conditions nouvelles, la