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choses n’imposait pas même aux plus implacables le respect de certains droits, les égards pour certaines convenances que la civilisation a créées, et si elle ne plaçait pas en travers des abus de la force la barrière des devoirs et des intérêts qui se rattachent à la constitution si compliquée des sociétés modernes. C’est ainsi que, dans les négociations où des conditions trop disparates sont faites aux deux contractans, le plus faible conserve quelque puissance, et qu’il est en mesure de discuter avec dignité, de traiter quelquefois d’égal à égal, au nom du droit, des intérêts et du bon sens, avec le plus fort.

Ces réflexions nous ont paru nécessaires pour la saine appréciation des traités du 12 octobre, qui ont stipulé la libération anticipée d’une partie de notre territoire moyennant le paiement, également anticipé, d’une portion de l’indemnité de guerre et la concession de facilités commerciales en faveur de l’Alsace.


I

Aux termes des préliminaires de paix, l’indemnité de guerre fut fixée à 5 milliards, sur lesquels 1 milliard était payable dans le courant de l’année 1871, et le surplus, à des époques indéterminées, dans un espace de trois années. En même temps, les délais d’évacuation des départemens français occupés par les troupes allemandes étaient réglés de telle sorte que, commençant aussitôt après l’échange des ratifications, cette évacuation se poursuivrait au fur et à mesure des paiemens. L’abandon des forts de la rive droite de la Seine et des départemens voisins de la capitale devait s’effectuer après le premier versement d’un 1/2 milliard, et l’occupation allemande ne devait plus comprendre, après le paiement de 2 milliards, que six départemens de l’est, Marne, Ardennes, Haute-Marne, Meurthe, Meuse, Vosges, ainsi que la forteresse et le territoire de Belfort, destinés à servir de gage pour les trois derniers milliards.

Le traité de Francfort modifia ces conditions en les aggravant au détriment de la France. Au moment où cet acte se négociait et se signait (10 mai), l’insurrection de la commune était maîtresse de Paris, et elle paraissait avoir des ramifications à Lyon et dans les principales villes du midi. Les Allemands crurent devoir exiger un supplément de garantie pour le paiement de l’indemnité de guerre et stipuler des conditions plus rigoureuses au sujet de l’occupation du territoire. Au lieu de 1 milliard seulement à payer en 1871, ils obligèrent la France à verser dans ce délai 1 milliard 1/2, et à compléter, par le paiement de 500 millions au 1er mai 1872, la somme de 2 milliards. Quant à l’évacuation des départemens de la zone