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ressources et activent la libération de notre territoire. C’est à ce point de vue que les conventions signées le 12 octobre 1871 à Berlin sont importantes et qu’elles méritent d’être examinées.

Plus d’une fois déjà depuis le commencement de ce siècle, l’histoire nous montre des désastres pareils à ceux qui viennent d’accabler notre patrie. Les plus puissans états ont vu leurs armées détruites, leur sol envahi, leur capitale au pouvoir de l’ennemi, leur gouvernement obligé de subir des abandons de provinces et de lourdes indemnités de guerre. La France a infligé à une partie de l’Europe ces effroyables calamités : elle les a connues à son tour, lorsqu’en 1814 et en 1815, épuisée de victoires, elle a plié sous le choc de l’Europe coalisée. À ces différentes périodes, la diplomatie a dû accomplir son œuvre de compromis et de pacification, elle a eu à résoudre des problèmes semblables à ceux qui se discutent aujourd’hui entre Versailles et Berlin ; mais, il est permis de le dire, les difficultés que rencontra en 1871 la diplomatie française sont beaucoup plus grandes. A la triste analogie des situations s’ajoute le poids des conditions particulières dans lesquelles la France est aujourd’hui appelée à traiter.

Lorsque la France, en 1815, dut subir la loi du vainqueur, elle se trouvait en présence de plusieurs états qui, unis contre elle pour le combat et dans la victoire, n’avaient point absolument les mêmes intérêts politiques, les mêmes sentimens, la même passion. Entre l’Angleterre, la Russie, l’Autriche et la Prusse, il existait de profondes différences, d’opinion tant à l’égard de la France que pour le règlement des affaires européennes. Notre diplomatie avait donc au sein des conférences quelques alliés parmi les ennemis de la veille ; elle pouvait résister aux exigences de la Prusse en leur opposant la modération bienveillante de la Russie ou l’intérêt de l’Angleterre. Seule contre toutes en apparence, elle obtenait parfois, dans les décisions les plus graves, l’appui de l’une ou de l’autre des puissances alliées, et ses légitimes protestations ne restaient pas sans écho. Le procès se plaidait devant un tribunal européen, et la France trouvait des avocats au milieu des juges.

Aujourd’hui c’est avec l’Allemagne seule, ou, pour mieux dire, avec la Prusse, notre ennemie la plus acharnée en 1815, que la diplomatie française doit négocier. Aucune autre puissance n’intervient. L’Europe regarde, écoute et attend. Les anciens belligérans demeurent face à face, — l’un avec l’emportement de la victoire, encore tout armé, campé sur le sol du vaincu, — l’autre, accablé par la défaite, désarmé, sous le coup de l’occupation étrangère. Combien dans de telles conditions, le débat diplomatique est difficile ! Il serait impossible, si, par une sorte de revanche providentielle, la force des