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amis l’en suppliaient, et Théodoret lui-même le conjurait dans les termes les plus pressans de ne point s’exposer à un exil qu’il ne supporterait pas. « Je me jette à vos pieds, lui écrivait-il ; j’embrasse vos genoux vénérés : sauvez-vous pour nous ! » Et il lui indiquait les concessions admissibles par la plus stricte conscience ; mais Alexandre lui répondit cette lettre admirable : « Je crois que vous n’avez rien omis pour le salut de ma malheureuse âme, vous avez même fait plus que le bon pasteur de l’Évangile, qui n’a cherché qu’une fois la brebis égarée. Tenez-vous donc en repos, et cessez désormais de vous fatiguer, et nous aussi. Je ne me mets pas en peine de ce que font les autres ; mais, quand tous ceux qui sont morts ressusciteraient et nommeraient piété l’abomination d’Égypte, je ne les croirais pas plus dignes de foi que la science que Dieu m’a donnée. » Cet inflexible vieillard rompit avec tous ses amis qui lui donnaient ce qu’il croyait de lâches conseils. Sommé par le gouverneur de sa province de souscrire ou de quitter la ville, il sortit aussitôt ; mais la ville après son départ ferma ses églises, protestant qu’elle n’y laisserait pénétrer aucun intrus. Pour toute réponse, le gouverneur fit enfoncer les portes et célébrer les mystères sacrés sous la protection des soldats. Quant au vieil évêque, traîné en Égypte et condamné au travail public dans les mines de Phamothis, il y rendit l’âme.

Les expéditions des gouverneurs n’étaient point faites avec l’ensemble que désirait Cyrille, qui était l’âme de cette persécution comme il avait été celle du concile. Il obtint que l’empereur enverrait en Orient un commissaire extraordinaire dont le caractère imposerait davantage aux évêques, surtout dans les diocèses de l’extrême Orient, foyer principal de l’opposition. Le commissaire chargé de cette terrible mission fut le tribun Aristolaüs, avec qui Cyrille entretenait une correspondance. Il était sans doute plus habile que les simples gouverneurs ; il se montra plus menaçant, s’il était possible, et n’obtint guère davantage. Jean d’Antioche pourtant faiblit, et ce fut un triomphe pour le parti de l’oppression. La persécution engendra dans les églises un mal non moins grand qu’elle, la délation. Des diacres mécontens, des prêtres ambitieux, accusaient à chaque instant leurs évêques qui avaient souscrit de ne l’avoir fait que de la plume et non du cœur, de tenir les mêmes propos qu’auparavant ; les chefs de la faction les dénonçaient à leur tour aux magistrats comme des schismatiques relaps et des parjures. Il n’y avait plus ni confiance, ni fraternité chrétienne, ni unité au sein des églises : c’était bien l’abomination d’Égypte, comme disait Alexandre d’Hiérapolis.

Les livres de Nestorius étaient, comme on le pense bien, l’objet