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chaque fois que nous en avons fait mention soit devant le prince, soit devant son consistoire : , on l’a pris à injure, et le pis est que l’empereur, a pour lui plus d’aversion que tout le monde ; il nous a dit : « Que personne ne m’en parle, son affaire est réglée. » Maintenant, nous travaillons à nous tirer d’ici et à vous sauver du chaos, si nous pouvons, car nous n’avons rien de bon à espérer. Tous sont gagnés par l’argent, et soutiennent qu’il n’y a qu’une nature de la Divinité et de l’humanité.

« Le peuple vaut mieux, grâce à Dieu, et vient à nous incessamment. Nous avons commencé à tenir de grandes assemblées où les fidèles accourent en foule, et ils nous écoutent avec tant de plaisir qu’ils resteraient jusqu’à une heure après midi, si quelque chose les garantissait de l’ardeur du soleil. Ils sont réunis dans une grande cour enfermée de quatre galeries, et nous parlons de l’étage supérieur de la maison ; mais le clergé et les moines nous persécutent fortement, de sorte qu’il y a eu combat comme nous revenions du palais rufinien ; plusieurs furent blessés, tant des laïques nos défenseurs que de ces faux moines. L’empereur a su que le peuple s’assemblait avec nous, et, m’ayant rencontré seul, il m’a dit : « J’ai appris que vous tenez des assemblées irrégulières. » Je lui ai répondu : « Puisque vous me donnez la liberté de parler, écoutez-moi avec indulgence. Est-il juste que ces hérétiques excommuniés remplissent les fonctions sacerdotales, et que nous qui combattons pour la foi, nous soyons exclus des églises ? — Que voulez-vous que j’y fasse ? me répondit-il. — Ce que fit le comte Jean quand il débarqua à Éphèse, ai-je répliqué : voyant qu’ils tenaient des assemblées et célébraient des collectes et non pas nous, il les en empêcha en disant : « Je n’y autoriserai ni les uns ni les autres jusqu’à ce que vous ayez fait la paix. » Vous devriez ordonner, de même à l’évêque de cette ville de ne laisser tenir d’assemblées ni à nous ni à eux, jusqu’à ce que nous nous soyons mis d’accord… » — L’empereur m’a répondu : « Je ne puis commander aux évêques., — Alors, répliquai-je, ne nous commandez donc rien non plus. Nous prendrons une église, nous l’ouvrirons au peuple, et vous verrez qu’il viendra beaucoup plus de monde avec nous qu’avec eux. » J’ai ajouté : « Dans les assemblées que nous tenons, il n’y a ni lecture, des saintes Écritures ni oblation, il y a seulement des prières pour la foi et pour vous, très religieux prince, ainsi que des discours de piété. » L’empereur a trouvé que cela était bien, et n’a rien fait jusqu’ici pour nous l’interdire. Nos assemblées croissent sans cesse ; mais nous sommes tous les jours en péril et en crainte, voyant la violence des moines ; et des clercs, et la lâche connivence des grands. »