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dans le clergé, soit parmi les moines, il l’avait transféré à Chalcédoine, que l’on considérait comme un faubourg de la métropole, quoique sous un autre évêque. Chalcédoine possédait d’ailleurs un superbe local pour l’installation de la cour et la tenue de la conférence, cette magnifique villa rufinienne, doublement célèbre en Orient comme fruit des déprédations de Rufin, ministre favori du grand Théodose, et comme théâtre de la condamnation de Chrysostome sur la poursuite du patriarche d’Alexandrie Théophile. Par une fatale coïncidence, il s’agissait encore ici d’un archevêque d’Alexandrie poursuivant un archevêque de Constantinople. Les deux députations se trouvèrent réunies à Chalcédoine au commencement de septembre, et la conférence s’ouvrit le 4 en présence de l’empereur, assisté de son préfet du prétoire Antiochus et du conseil consistorial. De part et d’autre, les députés produisirent les pièces dont ils étaient porteurs et exposèrent leurs griefs ; cette première séance parut favorable aux Orientaux, l’empereur approuva leurs dires et les laissa réfuter ceux de leurs adversaires. Comme ils accusaient Acacius de Mélytène d’avoir écrit que la Divinité était passible, qu’elle avait souffert et était morte sur la croix, Théodose témoigna une grande indignation ; mais Acacius, qui était là, parvint à se justifier. Les cyrilliens renouvelèrent verbalement la demande formulée dans leurs instructions de la mise en liberté de Cyrille ; « il faut, disaient-ils, qu’il assiste à la conférence pour s’y défendre lui-même. » Les Orientaux soutenaient que la chose importante avant tout était d’éclaircir pour chacun des partis la question de foi, ce que l’empereur trouva juste, et il voulut qu’ils lui remissent tous les deux une exposition de leur croyance. « Nous n’en avons pas d’autre, répondirent les Orientaux, que le symbole de Nicée, et il suffit à tout, puisqu’il est la règle de l’église ; » puis Jean présenta la copie de ce symbole qu’ils avaient tous souscrit à Ephèse. L’empereur ne leur fit aucune observation. Cette première audience terminée, ils rentrèrent chez eux le cœur plein de joie ; mais cette joie était prématurée, ils ne tardèrent pas à s’en apercevoir.

L’évêque de Chalcédoine, gagné au parti de Cyrille, s’était fait son instrument dévoué ; on eût dit un autre Memnon pour les vexations tyranniques et les perfidies. Il excluait les Orientaux de ses églises, où leurs adversaires se pavanaient en maîtres, tenaient des assemblées et prêchaient contre eux. Traités en païens, excommuniés par le caprice de cet homme, Jean et ses collègues louèrent un local pour y faire leurs prières, y délibérer sur les événemens, y prêcher au besoin. Cette chapelle improvisée consistait en un grand préau sans toit, entouré de portiques, que surmontait une galerie. Dès qu’on sut que les évêques d’Orient y discouraient sur