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honnète qu’Irénée, mais exempt des attaches de parti qui pesaient sur ce dernier, le comte Jean avait la réputation d’être un homme rigoureux autant que juste. Sa seule apparition jeta la frayeur dans la ville ; lui-même s’exprime ainsi dans son rapport officiel. Les évêques de tous les partis accoururent le saluer à son débarquement, sauf pourtant Cyrille et Memnon, qui se tinrent renfermés chez eux. Le commissaire les convoqua tous ensemble à son logis pour le lendemain, afin de leur faire connaître les volontés de l’empereur ; il fit en même temps prévenir les chefs, c’est-à-dire Cyrille, Memnon, Nestorius et Jean d’Antioche, de se rendre particulièrement près de lui avant la réunion générale, pour qu’il eût à s’entretenir avec eux. Il leur assignait à chacun une entrée séparée, dans l’intention de prévenir tout débat scandaleux, s’ils venaient à se rencontrer, Nestorius arriva le premier au soleil levant, puis Jean d’Antioche et plus tard Cyrille : il les sonda habilement et sut bientôt ce qu’il pouvait attendre des uns et des autres. Quant à Memnon, il s’excusa sur une indisposition qui ne lui permettait pas, disait-il, de quitter sa chambre.

Quand l’assemblée fut au complet, le commissaire déploya le rouleau des pièces qui lui conféraient ses pouvoirs et se mit en devoir de les lire ; mais Cyrille s’y opposa. « Je ne puis, dit-il, rien entendre de ce que l’illustrissime comte veut nous communiquer en présence de Nestorius, qui est déposé, et des évêques d’Orient, que le concile a retranchés de sa communion : ce serait communiquer avec eux, et nous ne devons pas même supporter leur vue. — Qu’est-ce donc ? s’écria Jean d’Antioche avec véhémence, nous écoutons bien l’illustrissime comte devant ces gens-ci (et il montrait de la main les amis de Cyrille) par respect et obéissance pour l’empereur, quoique nous les regardions comme des hérétiques excommuniés. » Un tumulte assourdissant suivit ces paroles : d’un côté à l’autre, on s’apostrophait, on se menaçait ; le comte Jean fut effrayé de l’excès de la violence. « C’était, écrivit-il à l’empereur, une vraie sédition, bien plus, un combat, une bataille. » Les chefs s’agitaient et se défiaient comme si on allait en venir aux mains, et le désordre persista pendant une partie du jour. Pour essayer d’y mettre fin, le comte Jean émit l’avis que Cyrille et Nestorius quittassent l’assemblée. « Le mandement impérial, dit-il, s’adresse non point à eux nominativement, mais à tous les évêques sans distinction : de sorte que, s’ils croient ne devoir pas rester ici, ils sont libres de sortir ; je pense même que leur absence peut être favorable à la paix. » Cyrille et Nestorius revendiquèrent leur droit de rester, et la dispute recommença de plus belle. Enfin, moitié de gré, moitié de force, les deux archevêques se résignèrent à quitter la salle.

La lettre fut alors écoutée avec assez de calme. Elle contenait une