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une assemblée délibérante le milieu qui l’entoure, on ne peut s’empêcher d’avouer que, si l’empereur et Nestorius avaient voulu créer un préjugé en faveur du terme de théotocos, ils ne s’y seraient pas pris autrement. A l’inconvénient de la ville se joignait celui de l’évêque appelé Memnon, homme violent, avide, méprisé, dont les habitans avaient plus d’une fois demandé la déposition, mais qui, voyant une occasion de reconquérir sa popularité, se jetait à corps perdu dans toutes les cabales qui avaient pour but de faire triompher au concile la doctrine de Marie mère de Dieu.

Nestorius fut un des premiers au rendez-vous. Il avait avec lui peu de prêtres, mais un nombreux cortège de serviteurs, et l’appareil de luxe qu’il aimait à déployer dans Constantinople. Un des plus grands personnages de la cour, le comte Irénée, l’accompagnait sans mission du prince, par pure amitié et sympathie pour sa doctrine ; le commissaire impérial, comte Candidien, chargé de représenter l’empereur à l’assemblée, ne devait arriver qu’à l’époque fixée pour la session. Irénée était un homme honnête et loyal, engoué des disputes théologiques, comme beaucoup de gens du monde en ce temps, très religieux d’ailleurs, et qui, peu d’années après, jetait de côté ses grandeurs et sa fortune pour se faire persécuter dans l’église avec son ami. Quinze ou vingt évêques, les uns du diocèse de Nestorius, les autres ses anciens collègues en Orient et les partisans de ses opinions, se rallièrent à lui et formèrent un groupe qui lui resta fidèle jusqu’à la fin. L’accueil qu’on leur fit ainsi qu’à leur chef fut glacial et malveillant. Les magistrats ne leur rendirent aucun honneur, et l’évêque leur interdit toutes ses églises ; quand ils sortaient de leurs maisons, on les montrait au doigt dans les rues, et la populace les insultait. Il fallut que le commissaire impérial près du concile leur donnât plus tard une escorte de soldats pour leur sauvegarde. Quant à Nestorius, il se tint dignement dans sa situation d’accusé : n’essayant ni de pénétrer dans les églises, d’où Memnon l’eût fait chasser infailliblement, ni de tenter quelque représaille qu’on eût pu tourner contre lui.

Peu de temps après Nestorius, on vit arriver Cyrille avec ses cinquante évêques égyptiens et un cortège presque impérial. Assailli par de furieuses tempêtes à la hauteur de Rhodes, il avait dû y relâcher, et n’atteignait enfin le port d’Éphèse qu’après de graves avaries. Il ne manqua pas d’attribuer son salut et celui de sa flotte à la protection de Marie, mère de Dieu, dont il s’était constitué le champion. Laissant ses navires à l’ancre, il fit dans la ville, une entrée triomphale : devant lui marchaient processionnellement ses cinquante évêques, et derrière lui, en ordre de bataille, toute une armée de valets de l’évêché, de parabolans, de marins de la flotte et de gens à gages, portefaix et mendians qu’il amenait