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roses. L’Autriche, quant à elle, reste livrée à toutes les perplexités de ce travail intime de réorganisation qui commençait au lendemain des cruels événemens de 1866, et qui depuis n’a cessé de se poursuivre à travers des difficultés dont le dénoûment fuit toujours. L’Autriche, pour tout dire, vient de retomber plus que jamais dans ses crises intérieures. Le problème qui s’agite à Vienne, on ne l’ignore pas, c’est d’arriver à concilier le régime constitutionnel créé en décembre 1867 et les droits d’autonomie des nationalités diverses de l’empire. La Hongrie une fois satisfaite par le régime créé en 1867, il restait à résoudre ce même problème de réconciliation dans ce qu’on appelle la cisleithanie, c’est-à-dire dans tout ce qui forme le reste de l’empire moins la Hongrie, et c’est ici que la lutte la plus vive éclate. D’un côté est le parti centraliste allemand, qui s’attache à la constitution de décembre, qui poursuit par tous les moyens la prépondérance de l’élément germanique dans l’empire, qui n’admet que la subordination de toutes les différentes races sous le gouvernement le plus centralisé ; de l’autre côté sont les nationalités qui réclament leur autonomie, et au premier rang est la Bohême, qui aspire à une indépendance à peu près complète sous le sceptre impérial, qui n’a jamais voulu reconnaître la constitution de 1867, qui a même toujours refusé d’envoyer des députés au Reichsrath de Vienne. Entre les deux camps sont les hommes libéraux, modérés, concilians, qui voudraient arriver à une transaction. C’est là le nœud de toutes les péripéties qui se sont déroulées en Autriche depuis quelques années.

Une première fois, l’an dernier, le comte Potoçki, comme chef du cabinet cisleithan, essayait d’arriver à une solution, et il échouait sans doute en partie devant les résistances des Tchèques, mais aussi et surtout devant l’opposition des centralistes allemands, qui depuis ont regretté peut-être de n’avoir pas secondé cette tentative. C’est alors que le comte Hohenwarth était appelé à la présidence d’un nouveau ministère cisleithan, et il arrivait au pouvoir avec la pensée d’en finir en faisant des concessions plus étendues aux Tchèques. L’empereur lui-même d’ailleurs, sans sortir de la sphère de ses prérogatives constitutionnelles, désirait très vivement une conciliation. Le comte Hohenwarth se mettait donc à l’œuvre, il procédait à des élections nouvelles qui lui assuraient dans le Reichsrath une majorité suffisante pour opérer toutes les réformes constitutionnelles nécessaires malgré l’ardente opposition des centralistes allemands, qui menaçaient à leur tour de se retirer de l’assemblée de Vienne ; une fois maître de la situation, le comte Hohenwarth abordait résolument le problème. Un rescrit impérial adressé à la diète de Prague reconnaissait ce qu’on appelle le droit public ou historique de la Bohême, et demandait aux Tchèques leurs conditions.

Malheureusement les Tchèques ont été peut-être un peu grisés par leur victoire, et, dans l’adresse où ils ont résumé leurs prétentions en articles fondamentaux, ils ont posé des conditions qui entraîneraient la