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du grain, des graines, des outils et des instrumens aratoires. Pour éviter toutes contestations, on régla tout d’abord la répartition des bénéfices ; on n’y manque jamais surtout dans les associations vouées à une ruine certaine.

La principale objection contre le communisme est que les laborieux travaillent pour les paresseux. On fit en conséquence deux parts des bénéfices espérés : l’une pour la sauvegarde du principe, l’autre par concession à la raison. Pour le principe, une partie du profit devait être distribuée également à chacun des sociétaires ; pour la raison, le reste était réparti en proportion des journées de travail. Malgré cette correction, le principe ne tarda pas à porter ses fruits. L’association communiste n’a pas vécu ; les associés l’ont rompue, et se sont mis à planter leurs choux chacun pour son compte. Le gouverneur avait pourtant essayé de la renforcer au moyen de soldats des compagnies de discipline. Le ministre des colonies ayant autorisé ces militaires à s’établir dans la colonie après six mois de bonne conduite précédant la libération du service, l’administration proposa des concessions de terre à quarante d’entre eux ; mais l’on exigeait l’association phalanstérienne, ils refusèrent et s’en allèrent aux îles Taïti.

Au fond, l’essai n’aurait pas eu grande importance, s’il n’avait indiqué les tendances de l’administration locale, qui furent d’ailleurs contenues par la résistance au moins passive des bureaux de Paris. S’il est vrai que le chef de l’état voyait sans déplaisir l’expérience lointaine de ces réformes sociales, et que les idées professées par le gouverneur n’avaient pas été sans influence sur sa nomination, il n’est pas moins exact de dire que l’administration centrale n’y était pas sympathique, et réagissait autant que le permettait la crainte de déplaire. Elle ne fut pas étrangère au règlement général de la vente des terres. Ce règlement fait aux acquéreurs des conditions très sagement étudiées et très généreuses. A leur arrivée, on ne les expose pas à de longues formalités ni à des délais où s’épuiseraient leurs ressources. S’ils désirent une concession de terre, on leur donne les renseignemens nécessaires pour faire leur choix, et ils s’installent aussitôt que ce choix est fait. Ils ont la faculté d’acheter la terre à prix fixe, sans autre charge que le paiement de l’impôt foncier, ou de la louer avec droit de préemption à des conditions équitables. Le terrain est vendu à raison de 25 francs l’hectare dans toute la colonie, les environs de Nouméa exceptés. C’est seulement lorsqu’un même lot est demandé par plusieurs émigrans que la vente est faite aux enchères et que le prix peut varier. L’impôt foncier est de 25 centimes l’hectare, payable à partir de la cinquième année de possession. La location avec droit de préemption est de 1 franc