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par jour un excédant de 1 fr. 90. Encore dans ces deux budgets le travail de la mère n’entre-t-il pas en ligne de compte, quoique dans beaucoup de cas elle soit utilement occupée.

C’est donc en somme une population qui, attentivement et paternellement gouvernée, n’a pas à se plaindre de la condition qui lui est échue, condition qui s’est améliorée au point que l’esprit de prévoyance en aurait souffert. Il va sans dire que la vie et la santé des ouvriers ont, en première ligne, participé à cette amélioration. Les logemens sont plus sains qu’autrefois, le régime est plus substantiel, la contrée plus salubre ; d’un autre côté, les galeries souterraines ont été purgées, par une ventilation énergique, des miasmes qui les infestaient, les planchers asséchés par des machines constamment en jeu. Enfin, aux échelles qui exténuaient les ouvriers et les exposaient à des maladies presque incurables, l’asthme, l’anémie, les affections du cœur, ont été substitués des appareils de remonte et de descente qui présentent toute sécurité et permettent aux hommes de corvée d’aborder ou de quitter sans dépense de force les lieux où ils ont à remplir leur tâche. Déjà des effets significatifs ont été obtenus, et tandis que dans la division de Fresnes et de Vieux-Condé l’asthme avait enlevé de 1836 à 1851 57 victimes, ce nombre s’est réduit à 24 dans la période suivante de 1852 à 1867. Des observations analogues ont été faites par M. le docteur Castiau, chirurgien principal de la compagnie dans le cours de trente-deux ans, observations portant sur une division du fond confiée à ses soins, et ne comprenant que les maladies d’une durée de deux septénaires au moins. Défalcation faite des deux années 1849 et 1866, dans lesquelles a sévi un choléra épidémique, ses relevés portaient sur trente ans qu’il a divisés en parties égales de quinze ans chacune. Dans ces termes, la première période a fourni un total de 4,355 malades, dont 146 ont succombé, tandis que la seconde n’a plus donné que 3,463 malades et 121 décès, le tout pendant que cette période présentait une augmentation de 9 pour 100 dans le chiffre des ouvriers. Autre remarque à l’appui de celle-là. Avant la suppression de la descente aux échelles et l’amélioration de l’aérage, le mineur, à l’âge de quarante ans, ne pouvait plus être employé à l’abatage de la houille et au percement du rocher ; aujourd’hui il pousse à cinquante ans et au-delà cette rude besogne. On peut donc dire, avec des chiffres rigoureux, que le travail utile des ouvriers mineurs a de nos jours augmenté de dix ans.

Pour bien parler d’Anzin, il faut y avoir séjourné ; aucun document, aucun récit, ne suppléeraient l’impression que laisse la vue des lieux. Ce n’est pas même tout que de les avoir scrupuleusement parcourus, d’avoir suivi à la bouche des fosses le travail dont elles