Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

origines de la compagnie, et que pour les autres détails tout a été volontairement fait, sans pression ni calcul, par les seuls mobiles auxquels obéissent les gens de bien. Il ne s’agit pas d’ailleurs de sommes minimes, comme on le voit par des notes précises. Les pensions de retraite coûtent à Anzin en nombres ronds 147,000 francs, et les secours temporaires 64,000 francs ; les services de santé 85,000 fr., les rations alimentaires pour les indigens 39,000 francs, les dons en vêtemens pour les enfans 4,000 francs, les écoles primaires 40,000 francs, — le chauffage gratuit pour les familles de mineurs, les secours et subventions exceptionnels aux communes et aux églises pour chemins et édifices civils ou religieux, 300,000 francs environ, enfin les sacrifices sur les logemens d’ouvriers 115,000 fr., en tout 812,000 fr., qui figurent dans l’inventaire de 1868, et y représentent 25 pour 100 des 3,161,665 francs distribués à titre de dividende. C’est un beau chiffre, surtout quand on songe à ceci, qu’il n’a rien de forcé.

Faut-il maintenant exprimer un regret et une crainte ? En habituant ces populations à compter en toute chose sur le patronage de la compagnie, peut-être a-t-on émoussé chez elles plus qu’on l’aurait dû le sentiment de la prévoyance. A quoi bon l’épargne quand des mains généreuses y suppléent ? De là moins de souci du lendemain ; trop aidé, l’individu ne s’aidait plus suffisamment lui-même. On a, il est vrai, essayé d’y obvier en favorisant les institutions où l’effort personnel est en jeu, comme les sociétés mutuelles et les caisses d’épargne. La mesure a eu quelques bons effets. Cinq ou six sociétés de secours mutuels ont été fondées et comprennent environ 3,000 membres. Quant aux dépôts, on les a facilités de toutes les manières. Les chefs de travaux, les petits comptables ont charge au besoin de les faire au nom des ouvriers ; une caisse vient en outre d’être ouverte à Anzin même pour recevoir les versemens des ouvriers et des employés à raison de 4 1/2 pour 100 au lieu de 3 1/2 pour 100 que sert la caisse d’épargne. Comme dernier aiguillon, la compagnie, au bout de l’année, distribue à l’épargne ce qu’on peut appeler des prix d’honneur. Suivant les cas, les circonstances et les sommes, elle ajoute aux livrets les mieux pourvus en visas de versement des primes supplémentaires qui prennent la même destination. L’effort personnel trouve alors à s’exercer, comme aussi dans l’achat des maisons, dont nous avons donné le détail et transcrit les clauses ; l’amortissement compris dans le loyer est une forme de l’épargne et assurément des meilleures. Enfin dans la même pensée, Anzin a récemment usé d’un moyen qui lui a réussi, comme tout ce qu’il fait : c’est une société coopérative, ou plutôt un groupe de magasins coopératifs d’approvisionnement.

On sait que l’objet en vue dans l’établissement de ces magasins