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trop éloignés des services du fond. Il fallait donc agir là comme on agit dans des pays neufs, construire des groupes d’habitations, à portée des fosses, à mesure qu’elles s’ouvraient et fournissaient un travail plus abondant. C’est ainsi que la compagnie s’est trouvée propriétaire de 2,000 maisons qui seront prochainement portées à 2,500 ; simples gîtes d’abord, ces maisons se sont améliorées avec le temps et forment déjà des agglomérations industrielles qui égalent, si elles ne le dépassent pas, le nombre des communes rurales vouées aux travaux de la terre. Ce mélange anime singulièrement la contrée. D’un format plus réduit, les maisons d’ouvriers, vues en groupe, ressemblent à des ruches qui, à certaines heures du jour et de la nuit, s’emplissent et se vident avec des bourdonnemens suivis de profonds silences, tandis qu’au sein des habitations rurales, où l’espace ne manque pas, tout corps de logis, toute dépendance a une activité qui lui est propre, ici le mouvement des maîtres, là le bruit et les cris de la ferme, que remplace, la nuit venue, un calme complet. Aucun contraste ne saurait être plus frappant ; sur un point des charbonniers, sur un autre point des paysans, — impossible de s’y tromper. Pour rendre accessibles aux ouvriers les logemens qu’elle leur destinait, la compagnie a dû leur faire de tout temps les conditions les plus douces ; c’est ainsi qu’elle les livre, suivant les dimensions et le nombre des occupans, à 2 fr. 50, 4 francs, 5 et 6 francs par mois, ce qui représente à peine le tiers de leur valeur locative. Pareils logemens se louent dans tes communes avoisinantes entre 12 et 18 francs, et ceux que cède la compagnie, propres et sains, ont en outre, comme petite dépendance, un jardin de 2 ares qui est à la fois, pour l’ouvrier, une ressource et une distraction. A-t-il le goût d’étendre ses cultures, on lui louera à des prix insignifians les surfaces contiguës, où il trouvera pour occuper ses loisirs un moyen plus salutaire et moins coûteux que le cabaret.

Dans cet ordre d’encouragemens, la compagnie est allée plus loin encore : elle a voulu ménager à ses ouvriers la faculté que Mulhouse a depuis longtemps assurée aux siens avec un succès bien vérifié, Cette faculté consiste à pouvoir se rendre acquéreurs de maisons au lieu d’en être simples locataires. L’idée était heureuse, l’exécution ne le fut pas moins. On se mit en quête d’un modèle qui, supérieur aux types connus, donnât aux constructions plus d’air, plus d’espace et de meilleurs arrangemens intérieurs. On écarta les combinaisons où les maisons sont accouplées par deux ou par quatre, et où les ouvriers vivent trop les uns chez les autres, ce qui est une occasion de querelles. Chacun ici était bien chez soi, dans une maison isolée, sans servitudes de voisinage, et entourée d’une zone libre qui sert de jardin ou de cour, suivant le besoin ou