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et avant que l’état eût commencé ses chemins de fer, la compagnie en avait un, — une miniature, il est vrai, 10 kilomètres, — mais bien construit, bien pourvu et d’un bon service. Anzin rattachait par là son trafic à celui de Saint-Waast, de Hévin, d’Escaudain, d’Abscon, enfin de Somain, où les rails de la compagnie devaient plus tard se rencontrer avec ceux de notre grande ligne du nord. Ainsi en deux circonstances Anzin avait devancé ou suppléé l’état dans des travaux ingrats et coûteux, ceux d’une période d’essai. Pour y suffire, il avait fallu largement entamer des réserves faites avec beaucoup d’à-propos. Ce n’est pas avec des emprunts, c’est avec des épargnes que la compagnie a pu se créer un port en 1828, un chemin de fer en 1835 ; c’est encore au moyen de ses épargnes qu’elle va compléter ses lignes rapides par un embranchement qui rejoindra le réseau belge à Peruwelz, sur la frontière, en continuant le tronçon de 19 kilomètres qui lui donne par Somain une issue sur le réseau français. Ce ne sont pas là seulement des travaux productifs, ce sont en outre de bons placemens pour la caisse sociale et une avance pour aboutir à de plus fructueuses recettes.

Voilà donc Anzin, l’Anzin de toutes pièces, tel que l’ont fait la tradition et le génie moderne : le théâtre est vaste, voyons comment l’homme s’y meut et quelle figure il y fait. A Anzin, la responsabilité n’est pas un vain mot ; elle a été prise au sérieux par ceux à qui elle incombe, et elle est lourde à raison du nombre de ceux qui peuvent s’en prévaloir. Il ne s’agit plus en effet de quelques centaines d’ouvriers, il s’agit d’une population de 16,000 âmes, directement ou indirectement salariées par l’établissement : les mineurs, ou ce que l’on nomme les hommes du fond, 9,000 environ, — les journaliers et artisans distribués dans les chantiers et les ateliers qui travaillent au jour, 2,000, — ceux qu’occupent les charrois et les magasins, 1,100, — les employés, 300, — les pensionnaires en retraite, 1,000, — les enfans admis gratuitement à l’école, 2,700, — autant d’existences qui dépendent de la compagnie, puisent dans sa caisse, ont leur part des recettes qu’elle fait. Qu’un accident arrive, il faut au passif annuel ajouter des charges imprévues, et, dans des cas de force majeure comme une invasion et une guerre, faire face, le mieux qu’on peut, à une situation pleine d’angoisses. En dehors même de ces exceptions, il y a, pour les gérans, des soucis qui sont en permanence, et le plus grave est la conduite de ces légions d’hommes qu’il faut gagner par de bons procédés ou contenir par la discipline des règlemens. Par les prétentions qui courent, la tâche devient de moins en moins aisée ; il n’est pas toujours possible de faire entendre raison à des insensés qui, même au prix de leur ruine, veulent garder le dernier mot. Jusqu’ici pourtant, la population d’Anzin est demeurée