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Cette bonne fortune leur échut enfin vers les derniers mois de 1734, où l’on découvrit, entre Fresnes et Valenciennes, une veine demeurée célèbre dans le pays sous le nom de veine de Maugretout, c’est-à-dire trouvée malgré tout. Ce fut une ample revanche des mauvais jours ; longtemps on avait semé en vain, désormais il n’y avait qu’à recueillir. Sous cette perspective, les intéressés reprirent courage ; leur concession n’avait plus que six ans de durée, ils demandèrent à la fois à la prolonger et à en reculer les limites.

Ni l’une ni l’autre de ces requêtes ne souffrit de difficultés de la part du conseil d’état. Les recherches de charbon n’avaient jusque-là causé que des ruines ; on était loin de s’en disputer le privilège. Seulement le conseil, pour se conformer à la tradition des bureaux, se montra plus avare du temps que de l’espace. Par acte du 29 mars 1736, la concession fut prolongée jusqu’à 1760, et le 16 décembre, par un autre acte, le périmètre en fut étendu aux terrains situés entre la Scarpe et la Lys. C’était administrativement et industriellement une double erreur de conduite ; le temps était trop court, le périmètre trop vaste. D’un côté, par une durée réduite, on interdisait aux exploitans les travaux de longue haleine, qui ne donnent de profit et ne trouvent d’amortissement qu’après une période onéreuse ; de l’autre, on investissait une seule compagnie d’une tâche où l’activité et les fonds de plusieurs compagnies eussent trouvé utilement de l’emploi. C’était le calcul d’un régime de faveur d’obliger les favorisés à venir de loin en loin rendre leurs comptes et rafraîchir leurs titres par un octroi nouveau, rarement gratuit, qui passait au chapitre des destinations secrètes. N’importe, Desandrouin et Taffin, à titre onéreux ou non, étaient confirmés dans leurs droits : ils disposaient dès lors de ce qui a constitué la fortune d’Anzin, une concession de vingt-quatre ans qui leur permettrait de rentrer dans toutes leurs avances, un espace où ils pouvaient se mouvoir à l’aise, une veine abondante de charbon. Leur siège principal d’exploitation était alors à Fresnes, que depuis, par la plus insoutenable des chicanes, on a disputé à la compagnie. Ils s’y établirent solidement et vinrent à bout des deux principaux obstacles à une exploitation profitable, la nature des lieux et les concurrences du voisinage. Les quantités extraites, les sommes d’argent qu’on en tirait, devenaient de plus en plus un objet de notoriété publique, si bien que la souveraineté féodale, distraite ou insouciante tant qu’il n’y avait eu que des labeurs à entreprendre ou des pertes à supporter, devint tout à coup attentive et procédurière quand il s’agit de bénéfices assurés à recueillir. Son droit avait sommeillé jusqu’alors ; elle le fit valoir. Parmi les droits régaliens dont jouissaient alors les seigneurs féodaux se trouvait