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L’expérience qui vient d’être faite a été pour la Société internationale un échec complet Si l’on ne saurait sans injustice et sans ingratitude méconnaître les services qu’ont rendus à nos malheureux soldats les médecins des ambulances volontaires, on ne peut nier non plus que leurs services eussent été bien autrement considérables, si leur zèle et leur dévouement n’eussent été trop souvent paralysés par l’ingérence dans des affaires purement médicales de personnes qui semblaient s’être réunies afin de réhabiliter par comparaison l’intendance militaire. Nous rendons pleine et entière justice aux hommes honorables qui ont voulu être utiles à nos soldats, et ont sacrifié pour cela leurs loisirs et leurs veilles ; mais le fait seul doit nous occuper. Or, lorsque nous attaquons l’insuffisance de l’intendance, qui se compose du moins d’hommes distingués, de chefs vieillis dans la pratique, ayant à défaut des connaissances médicales une grande expérience des choses de la guerre, que pourrions-nous dire de l’insuffisance de personnes n’étant ni médecins ni militaires ! « Nous avions, dit le docteur Pietrowski dans son rapport officiel sur la sixième ambulance, des délégués de tout genre qui, après les combats, arrivaient en amateurs, n’ayant pas la moindre idée de leur mission, ni des services qu’ils étaient appelés à rendre. Il en résultait, de ce côté encore, toute sorte d’inconvéniens qui ne faisaient qu’augmenter la difficulté. » Par suite d’une mauvaise organisation, la société a dépensé pour obtenir peu de résultats des sommes considérables. Plusieurs fois elle paraît s’être trouvée sans ressources. C’est ainsi qu’après la capitulation de Metz, alors que nous avions obtenu des autorités prussiennes l’autorisation de nous retirer auprès d’une de nos armées avec tout notre matériel et tout notre personnel, la société par l’organe d’un de ses délégués nous donna l’ordre, que nous exigeâmes par écrit, de licencier sur place tout le personnel, de laisser le matériel, dont l’armée de la Loire était si dépourvue, en dépôt à Metz, où il fut vendu à vil prix quelques jours après. Quatre ambulances laissées libres après Sedan ne purent se reformer que grâce à une somme de cent mille francs donnée par la société anglaise ; presque toutes les ambulances de l’armée de la Loire vécurent sur des ressources toujours précaires.

La guerre de 1870 a montré surabondamment que la Société internationale a le tort de détourner de la chirurgie militaire, pour les employer elle-même, des médecins civils prêts à entrer temporairement dans les rangs de l’armée pour se dévouer au salut de nos blessés, de stériliser en partie des efforts individuels qui, sous la direction immédiate des chirurgiens militaires, eussent été bien autrement utilisés. En gardant pour les personnes le respect que méritent les intentions pures, dirons-nous que cette ivresse de dévoûment qui