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guère place sur le théâtre même de la guerre pour des ambulances volontaires ou pour des médecins civils[1]. La circonstance particulière d’une retraite commencée déjà depuis la veille nous a donné un rôle actif et presque prédominant après la bataille de Borny ; à Gravelotte et à Saint-Privat, dans la tentative de sortie faite à Ladonchamps le 7 octobre, le grand nombre de blessés nous a permis d’agir parallèlement à la chirurgie militaire ; mais dans toutes les autres circonstances l’ambulance volontaire n’avait rien à faire. Le service médical de l’armée doit être centralisé entre les mains du médecin en chef, et le médecin civil qui, par dévoûment au pays et non pour faire un intéressant voyage ou pour obtenir une distinction honorifique, offre volontairement ses services doit être à la disposition entière du médecin en chef de l’armée. Quant aux infirmiers volontaires, nous préférons ne pas en parler, on ne peut imaginer un plus énervant contraste avec les frères de la doctrine chrétienne si admirables pendant le siège de Paris. Sauf quelques honnêtes exceptions, on ne pouvait trouver plus belle collection de paresseux et d’ivrognes. Plusieurs pratiquaient le vol en gens expérimentés, et un certain nombre n’étaient que des pirates de champ de bataille dépouillant plus volontiers les morts qu’ils ne soignaient les vivans.

Si, malgré le dévoûment des médecins civils, malgré les services que les malheurs de la patrie leur ont permis de rendre, on ne saurait accepter leur présence au milieu d’une armée en campagne, surtout à l’état de corps indépendans, il faut être bien autrement sévère à l’égard de ces hôpitaux qui, sous le nom d’ambulances, se sont élevés partout sans autre règle que le caprice individuel. Dans la pratique, les bonnes intentions ne suffisent pas. Or, si l’on doit rendre pleine justice à ce besoin de dévoûment qui a conduit tant de dames françaises jusqu’auprès du lit de nos malades et de nos blessés, on peut dire aussi que le rôle d’ambulancière a été parfois une affaire de mode, et que les ambulances privées ont été pour nos soldats souvent dangereuses et trop rarement utiles. Si tous les médecins ne sont pas aptes à soigner

  1. Il est des médecins civils dont la présence aux armées est d’une incontestable utilité, mais qu’il serait impossible de placer sous les ordres de médecins militaires, quels qu’ils soient ; nous voulons parler des illustrations de la médecine civile. La Prusse seule jusqu’à présent l’a compris, et a su résoudre d’une manière heureuse la difficulté de leur incorporation en temps de guerre. Les célébrités chirurgicales de la Prusse, MM. Langenbeck, Bardeleben, Wilms, Middeldorpff, Wagner, etc., figurent, avec le grade de médecin-général et sous le titre de chirurgiens-consultans, dans l’état-major des armées en campagne ; leur rôle consiste à éclairer de leurs conseils les médecins militaires qui croient devoir recourir à leur expérience dans les cas difficiles, si fréquens à la guerre.