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appartiennent. Qu’au contraire des mouvemens de troupes aient lieu, que des travaux de défense aient été exécutés sous les yeux de l’ambulance prisonnière, peut-on admettre un instant qu’une convention quelconque puisse obliger le général victorieux à faire connaître à l’ennemi, en lui restituant directement quelques médecins, des opérations militaires qu’il doit lui cacher à tout prix ? Que fait-on en pareil cas ? On remet les médecins prisonniers à leurs compatriotes, mais sur un point éloigné du théâtre de la guerre, en leur imposant un détour assez long pour que le temps écoulé ôte tout danger à une divulgation des faits observés pendant leur captivité. C’est ce que les Prussiens ont fait à l’égard des médecins français, et ils avaient le droit de le faire, comme le général Chanzy avait le droit de renvoyer en Allemagne, par Saint-Malo et l’Angleterre, l’ambulance prussienne dirigée, croyons-nous, par le docteur Rosenthal et faite prisonnière sur la Loire. Quant aux deux ambulances qui, venant de Paris, ont cru pouvoir traverser l’armée prussienne pour arriver à Metz, l’une en passant tranquillement par Pont-à-Mousson, l’autre par Étain, Mars-la-Tour et Gravelotte, leur captivité momentanée et leur renvoi par la Belgique n’étaient que chose naturelle, car la convention, sous prétexte de neutralisation, n’a jamais songé à donner à ses ambulances le droit de se promener au milieu de l’armée ennemie, et de venir ensuite annoncer à leurs compatriotes la force, la position, la nature des travaux de l’ennemi.

La neutralisation des blessés a donné lieu également à des erreurs d’interprétation. La remise des blessés entre les mains de leurs compatriotes n’est pas immédiatement obligatoire, elle est seulement facultative ; ils peuvent n’être rendus qu’après leur guérison, mais toujours à la condition de ne pas porter les armes pendant la durée de la guerre. Cette dernière clause, dont on ne peut cependant nier la légitimité, devrait être supprimée ; elle est le plus souvent inutile quand la blessure est grave, elle est à peu près inexécutable, surtout de la part du soldat, quand la blessure est légère. Pour les officiers, cette clause leur crée une positron si délicate et si pénible après leur guérison que beaucoup préfèrent le chagrin de rester prisonniers. — La convention de Genève n’a été sérieusement appliquée que dans la dernière campagne, et l’expérience a montré qu’elle se prêtait à de nombreux abus ; il importe qu’une discussion sérieuse basée sur les faits observés définisse la manière dont il faudra en interpréter les différens articles.

Après la campagne d’Italie et sous l’influence d’un livre ayant pour titrer Souvenirs de Solferino, publié par M. Dunant, l’opinion publique s’émut de l’insuffisance des secours donnés aux soldats blessés et malades : c’est au même sentiment d’humanité qui amena la convention de Genève que l’on doit la création des société de secours