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dans la guerre. Voilà le grand procès qui s’instruit sur ce passé d’hier, destiné à peser longtemps sur nous.

Qu’il y ait ici une certaine responsabilité directe, particulière et en quelque sorte professionnelle pour les généraux qui ont eu la malheureuse chance de conduire les opérations militaires, c’est ce qui n’est point douteux, et c’est ce que précisera le conseil de guerre ou conseil d’enquête qui va se réunir définitivement à Versailles, sous la présidence du maréchal Baraguay-d’Hilliers, pour juger toutes ces capitulations qui sont comme les actes lamentables de la campagne de 1870-1871, la capitulation de Sedan, la capitulation de Metz, la capitulation de Paris. Le conseil de guerre dira si les chefs ont reculé devant leur devoir ou s’ils ont été eux-mêmes les premières victimes de la situation impossible qui leur a été faite par les imprévoyances de la politique ; mais en attendant que le conseil de Versailles se prononce, il y a devant le public un autre procès en quelque sorte tout historique, tout moral, qui se poursuit dans une multitude de publications. C’est à qui voudra dire son mot, c’est à qui exposera ses actes et racontera ce qu’il a fait ou ce qu’il a vu. Après M. le général Chanzy, qui a fait d’une plume simple et nerveuse le récit de ses opérations sur la Loire et vers Le Mans, c’est M. le général Wimpfen, qui a raconté la triste campagne de Sedan dans un livre un peu confus, où il ne prouve malheureusement qu’une chose : c’est qu’arrivé à peine de la veille il était un peu prompt à prendre en plein combat le commandement d’une armée qu’il ne pouvait connaître, sur un terrain qu’il ne connaissait pas davantage, en face d’un ennemi qu’il rencontrait pour la première fois. Au général Wimpfen, le général Ducrot, qui ce jour-là commandait un instant l’armée française, oppose un autre livre, la Journée de Sedan, qui est certes écrit avec feu, et qui contient surtout un des documens les plus curieux, le récit de la cruelle conférence d’où est sortie la première de nos capitulations en 1870. La campagne de Metz a, elle aussi, ses historiens compétens, instruits et souvent très vifs. M. de Freycinet, qui a été un des principaux agens du ministère de la guerre de Tours, le lieutenant de M. Gambetta, M. de Freycinet, dans son livre sur la Guerre en province pendant le siège de Paris, tient enfin de son côté à montrer ce qu’il a fait, et tout ce qu’il peut prouver, c’est que, si la délégation de Tours n’est point restée inactive, elle a eu la prétention assurément fort malheureuse de conduire des opérations où elle ne déployait qu’un zèle par trop novice et un peu brouillon. Est-ce tout encore ? Non certes, à côlé des chefs supérieurs, qui déposent en quelque sorte dans leur propre cause, il y a les officiers, qui ne se nomment pas, qui ont été les témoins ou les acteurs obscurs des événemens, et qui racontent la guerre avec une indépendance frondeuse, comme le fait l’auteur des Vaincus de Metz, de ce livre d’hier qui n’est pas le moins intéressant de tous. Il y a quelques mois, c’était le général Trochu qui commençait le défilé par son discours