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dernier emprunt, qui a eu un étonnant succès ; mais à côté de cette majorité du conseil municipal il y a une minorité radicale qui a certainement quelque lien de parenté avec la commune. Or cette minorité a voulu se faire une sorte d’existence particulière en se donnant un journal, et dans ce journal elle vient de publier une enquête sur la situation industrielle et commerciale de Paris. Cette situation n’a pas retrouvé son éclat d’autrefois, nous en convenons. Les auteurs de l’enquête constatent que les étrangers hésitent à venir, que les commandes diminuent ; ils constatent en outre que les ouvriers manquent dans certaines industries par suite de cet horrible coup de vent du mois de mars, qui a laissé dans la population parisienne un déficit de 100,000 hommes tués, emprisonnés ou émigrés. Tout cela est possible, quoiqu’il y ait peut-être quelque exagération pessimiste. Quel est donc le remède ? Croit-on que les auteurs de l’enquête renvoient la responsabilité des souffrances de Paris à ceux qui les ont causées par leurs folies sinistres ? Nullement, ils n’en parlent même pas ; l’unique remède qu’ils trouvent, c’est l’amnistie, la levée de l’état de siège. Ils parlent comme s’ils ne songeaient qu’à retrouver leur clientèle, des prosélytes pour leurs idées, la liberté de leur action, et comme si tout cela était un gage de parfaite sécurité pour Paris. Franchement, en quoi l’état de siège, tel qu’il existe, peut-il gêner les affaires ? Il serait plutôt une protection et une garantie. Ce n’est pas du reste l’industrie seulement que les auteurs de la feuille municipale prétendent régénérer ; bien entendu, ils veulent fonder la république, qui apparemment n’existe pas à leurs yeux ; ils veulent créer un enseignement nouveau, merveilleux. Il s’agit « d’organiser le développement des cerveaux, » de « semer l’éducation républicaine dans des terrains frais qu’aucun défrichement congréganiste n’a stérilisés d’avance, etc. » Quand nous disions que la première passion de certains Français élus conseillers municipaux est de se mêler de ce qui ne les regarde pas, et que les révolutions laissent quelquefois dans les esprits des traces tout aussi lamentables que ces ruines qui attristent nos rues ! Que le radicalisme se fasse un jeu de toutes ces questions de l’industrie parisienne, de l’enseignement ou de la république, au risque de tout brouiller et de tout dénaturer, c’est son métier, il ne sait faire que cela. Il ne s’aperçoit pas qu’il ne résout rien, qu’il gâte au contraire tout ce qu’il touche, et, si on le laissait libre, il achèverait de perdre ce Paris même qu’il prétend sauver, qui, lui aussi, comme la France tout entière, a sa douloureuse convalescence. Au lieu de hâter la guérison, il prolongerait la maladie. Eh ! sans doute, Paris souffre matériellement aussi bien que moralement ; il ne retrouverai toute sa sève de brillante et fructueuse activité que lorsque avec le pays tout entier il se sentira replacé dans un ordre régulier, et saison ce qui rend plus désirable le retour de l’assemblée et du gouvernement dans la grande cité ? C’est que ce retour serait justement le signe ostensible de la rentrée définitive