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un portefeuille dès le mois de février. Bientôt il remplaçait M. Ernest Picard au ministère de l’intérieur, et dans ces quelques mois d’administration il n’a fait que mieux montrer les qualités d’une nature sérieuse et droite autant que conciliante, qui avait tout au moins l’autorité de la séduction. Si M. Lambrecht ne se faisait pas craindre, il se faisait estimer ; il est mort en soldat du devoir, à son poste.

M. Thiers vient de lui donner pour successeur M. Casimir Perier, qui fait heureusement revivre un grand nom dans le gouvernement, qui au seuil de son cabinet retrouve le souvenir tout-puissant et inspirateur de son illustre père, mort autrefois en combattant pour la liberté légale et pour l’ordre. Par lui-même d’ailleurs, M. Casimir Perier méritait de renouer les traditions paternelles. Après avoir été longtemps dans la diplomatie, il s’est distingué, on le sait, par ses travaux financiers, par des études constitutionnelles ; il a combattu énergiquement pour la cause libérale sous l’empire, et pendant la guerre il s’est vu exposé pour sa fermeté aux vexations prussiennes. Élu député dès le mois de février, il était dès la première heure un des chefs de cette majorité modérée qui se retrouvera toujours quand on le voudra, et récemment encore il était le président de la commission du budget, qui avait certainement une rude besogne. Ce qu’on peut dire de mieux du nouveau ministre de l’intérieur, c’est qu’il est un gage de plus de l’union entre le pouvoir exécutif et l’assemblée ; il est une force de plus dans le gouvernement, et sa nomination fait honneur à M. Thiers autant qu’à celui qui a été l’objet d’un tel choix, puisque M. Casimir Perier ne s’est pas toujours trouvé d’accord avec le président de la république dans certaines circonstances récentes, notamment au sujet de questions financières qui ne sont pas encore résolues. C’est une marque de respect mutuel des opinions, d’indépendance et de dignité dans le pouvoir ; ne fût-ce que sous ce rapport, rien n’est mieux fait pour inspirer au pays l’estime de son gouvernement. C’est de bon augure pour le nouveau ministre qui entre aux affaires sous ces auspices, et à qui l’appui du chef du gouvernement ne manquera pas pour ramener partout l’ordre et la régularité dans la pratique des institutions libres, pour maintenir l’autorité de la loi, qui n’est elle-même que l’émanation de la souveraineté nationale.

L’ordre matériel, — c’est beaucoup sans doute pour le moment, — ne semble pas menacé ; l’ordre moral est bien plus précieux encore, puisqu’il est la plus sûre garantie de l’ordre matériel lui-même. On ne se figure pas ce que des événemens comme ceux qui viennent de se dérouler autour de nous laissent d’idées à rectifier, de troubles d’esprit à dissiper. Qu’on voie un instant ce qui se passe à Paris. Il y a maintenant, comme on sait, un conseil municipal à Paris, et en somme ce conseil, composé en majorité d’hommes sensés, fait les affaires de la ville avec zèle, de concert avec le préfet de la Seine, M. Léon Say : il a fait notamment le