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prendre de ces résolutions d’intérêt nationalités institutions parlementaires que nous avons reconquises et où la France trouve sa plus sûre garantie, ces institutions se maintiendront, s’enracineront, nous l’espérons bien ; mais si l’on veut qu’elles soient durables, sérieuses et efficaces, il faut introduire dans la pratique parlementaire des habitudes nouvelles, de façon à laisser au gouvernement, surtout dans les relations extérieures, une grande latitude. Que le gouvernement soit perpétuellement responsable devant l’assemblée, rien de plus simple, c’est la nature du régime parlementaire ; mais en même temps il faut que le gouvernement ait une liberté suffisante, qu’il puisse prendre la responsabilité du silence comme de l’action, il faut qu’il accoutume l’assemblée à bien comprendre qu’on ne conduit pas une négociation à coups d’interpellations et d’amendemens improvisés, et c’est surtout à l’heure où nous sommes, si nous voulons refaire notre diplomatie et nos alliances, que cet énergique esprit d’initiative et de conduite est nécessaire. Puisque la république existe, elle a sans doute l’ambition de vivre ; ce qu’elle a de mieux à faire alors, c’est de commencer par accréditer dans le monde qu’elle est capable de suite dans ses desseins, de secret dans ses conseils, de sûreté dans ses relations. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons nous refaire une politique extérieure, et, pour en arriver là, il ne suffit pas qu’à côté d’un chef d’état qui est personnellement la plus haute garantie pour l’Europe, il y ait un ministre ayant le sentiment des grands intérêts nationaux ; ce ministre, nous l’avons : M. de Rémusat a pour lui l’honneur du nom et du caractère, l’élévation du talent, l’expérience des affaires publiques. Il faut aussi que le gouvernement se donne à tous les degrés des collaborateurs faits pour être les complices intelligens et actifs de la politique de réparation qui nous est imposée ; il faut qu’il mette un soin jaloux et tout nouveau dans la désignation des hommes appelés à concourir à son œuvre. Il vient d’envoyer M. Lanfrey comme ministre plénipotentiaire à Berne, et il ne pouvait ouvrir la carrière diplomatique à un esprit plus distingué ; mais en même temps, sans parler même d’autres choix qu’on lui prête, dont il saura se défendre sans doute, qu’il regarde du côté de Florence, de Rome ou de Saint-Pétersbourg, et qu’il se demande si c’est bien là toute la richesse de représentation diplomatique sur laquelle la France peut compter. Après cela, nous le savons bien, tout ne se fait pas en un jour, surtout dans des momens de crise, comme ceux que nous venons de traverser, dans ces momens où la France n’a pas à songer seulement à sa politique extérieure, où elle a aussi tous ses ressorts intérieurs à remettre en ordre.

Heureusement, après les tempêtes récentes, la paix rentre par degrés dans le pays. Cette dissolution des gardes nationales qu’on semblait tant redouter, elle s’est accomplie ou elle s’accomplit chaque jour sans rencontrer la moindre résistance, sans provoquer même un mouvement