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de propos d’insister sur cette question, qui se reproduit encore fréquemment dans les assemblées et dans la presse, et qui a sa place dans les programmes démocratiques et socialistes, où l’on ne manque pas de représenter le régime des concessions comme un régime barbare, contraire à la liberté, à l’égalité, et même à la fraternité. A peine réunie, l’assemblée nationale a été saisie d’une proposition qui tendait à remanier complètement la constitution des chemins de fer. Cette proposition n’a pas été adoptée par la commission d’initiative parlementaire, qui, dans un excellent rapport, a fait ressortir les avantages du système actuel, les progrès réalisés au profit du public, les bénéfices que l’état retire des clauses insérées dans les contrats de concession, et qui représentent une rémunération fort élevée des capitaux payés ou avancés par le trésor. Le concours que les compagnies ont prêté à l’état pendant la guerre ajoute un nouvel argument aux motifs qui recommandent de leur confier l’exploitation du réseau.

Ce n’est pas à dire (et nous l’avons indiqué plus haut) qu’il n’y ait point de perfectionnement à introduire dans le régime de la circulation. Jusqu’ici, l’on ne s’était occupé d’organiser les transports que pour le temps de paix, car l’incident de la campagne d’Italie en 1859 s’était borné à un simple transit, à l’aller et au retour d’une armée parfaitement ordonnée et disciplinée ; c’était un train de victoire. Désormais il faut songer à organiser les chemins de fer militairement ; nous nous sommes instruits à la rude école des revers. Pour l’emploi stratégique des voies ferrées, les Allemands se sont montrés plus habiles que nous. Arrachons-leur en cela, comme en tout le reste, cette supériorité inattendue. Nous possédons les ressources nécessaires ; l’habileté administrative ne nous manque pas ; la construction du matériel est aussi bonne en France que partout ailleurs, puisque nos ateliers reçoivent les commandes de l’étranger ; les cadres du personnel sont solidement établis sous la direction d’ingénieurs qui ont acquis dans la science et dans l’industrie des chemins de fer une légitime renommée. Nous avons enfin le patriotisme qui, au moyen d’une étude calme et d’un travail persévérant, prépare aux nations vaincues les revanches de l’avenir.


C. LAVOLLEE.