Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/898

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principaux ouvrages qui ont été détruits, mais ils réduisent les chiffres soumis, dès le mois de mars, à l’assemblée nationale. On peut calculer une dépense de 40 à 50 millions pour réparer les dommages matériels causés par la guerre et par la commune. C’est une perte sèche de capital. Après les chemins de l’Est, dont les dégâts ne sont pas fixés, cette compagnie n’ayant pas encore publié son rapport, c’est la compagnie de l’Ouest qui a été le plus frappée : elle annonce des dégradations pour le chiffre de 10 millions. Quant à la diminution des recettes de l’exploitation, elle a également été fort sensible : sur 17,000 kilomètres ouverts au trafic, 7,000, occupés par l’ennemi, ont été, pendant une période plus ou moins longue, complètement privés de revenu. Le déficit affecte les deux exercices de 1870 et 1871. Les comptes publiés ne concernent que l’exercice 1870 ; il est impossible de fixer un chiffre exact pour la durée de la guerre et de la commune.

Par qui seront supportées les pertes, par les compagnies ou par l’état ? Pour les pertes d’exploitation résultant de la suppression du trafic, s’il s’agissait d’une industrie ordinaire, la question ne serait pas douteuse. Les pertes devraient demeurer exclusivement à la charge des compagnies, de même que les particuliers, négocians, industriels, supportent seuls les dommages causés par la guerre à l’exercice de leur profession ; mais il existe dans les contrats passés avec la plupart des compagnies de chemins de fer une clause qui réserve un revenu déterminé aux lignes de l’ancien réseau, et qui règle le montant de la somme que le trésor avance, à titre de garanties, pour la construction et l’exploitation des lignes nouvelles. Ce système est assez compliqué. Il semble cependant que les compagnies ne sauraient se soustraire au principe qui leur impose ce dommage purement industriel, sauf à s’entendre avec le trésor pour que la perte, dont il est possible de calculer approximativement le montant à l’aide des comparaisons statistiques, soit répartie entre plusieurs exercices, et n’atteigne que faiblement le dividende annuel. Au surplus, ce n’est là qu’un préjudice temporaire qui n’affecte en aucune façon le fonds même des entreprises.

La discussion est plus délicate sur la responsabilité des dégâts matériels. Le conseil d’administration des chemins de fer de l’Ouest a exprimé l’avis que l’état doit les rembourser intégralement. Selon cette doctrine, les voies ferrées sont à la disposition absolue du gouvernement, elles servent comme instrumens de guerre ; c’est à ce titre qu’elles sont attaquées et détruites par l’ennemi, de même que les ouvrages militaires ; par conséquent, c’est le pays tout entier qui doit payer les frais de cette destruction nationale. — L’analogie établie entre les voies ferrées et les ouvrages