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tentés pour la défense nationale, et elles méritent la mention la plus honorable dans l’histoire du siège[1].

La puissante organisation des compagnies leur a permis d’exécuter tous ces travaux, et à cette occasion il n’est pas sans intérêt de signaler une fois de plus les avantages du système qui a prévalu dans la constitution de nos chemins de fer, contrairement à l’opinion qui recommandait de laisser cette grande industrie entre les mains de l’état. L’état, on peut le dire, n’eût pas mieux fait pour mettre à profit le mécanisme des ateliers, et il est douteux qu’il eût maintenu chez les ouvriers l’esprit de discipline et d’ordre, qui, sous la direction des compagnies, a résisté aux excitations de la propagande démagogique. Les compagnies concessionnaires, avec leurs capitaux et leur crédit, sont en mesure de pourvoir aux installations les plus coûteuses que réclame un service public, et, comme elles sont responsables de ce service, elles s’outillent largement de manière à parer en temps normal à toutes les éventualités, ce que l’état, qui ne serait pas lié par un cahier des charges ni soumis à la même responsabilité, ne se croirait point tenu de faire à un égal degré. Quant à la main-d’œuvre, les compagnies ont intérêt à se la procurer dans les meilleures conditions, à la rémunérer convenablement, et à observer dans leurs ateliers, comme dans les diverses branches de leur service, une hiérarchie régulière. Il leur est loisible de pratiquer des combinaisons économiques qui augmentent réellement le salaire et le bien-être des ouvriers. Sous ce rapport, plusieurs compagnies françaises ont obtenu des résultats très remarquables, et elles ont donné l’exemple aux grandes entreprises, que la révolution industrielle, procédant aujourd’hui par la concentration du travail, tend à multiplier. Contenus dans les limites d’un budget fixe qui est préparé et voté un an à l’avance, les ateliers de l’état ne peuvent que très difficilement appliquer ces améliorations qui sont toujours accompagnées de certains risques financiers auxquels les compagnies se résignent plus librement. Enfin les usines de l’état subissent directement le contre-coup des révolutions. La chute d’un gouvernement équivaut pour elles à un changement de patron. Les liens de la hiérarchie se détendent, la discipline s’altère, et le désordre arrive.

Les ouvriers des compagnies sont exposés, comme les ouvriers des industries privées, à la contagion des grèves. On les a vus quelquefois et on les verra encore exprimer des plaintes ou des prétentions exagérées, c’est une loi générale, et la nature humaine

  1. La compagnie du Midi a également mis à la disposition de la défense nationale ses ateliers de Bordeaux, qui ont exécuté des travaux considérables, construction du matériel roulant, transformation des fusils, fabrication d’accessoires d’armes, etc.