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dépourvu comme on l’a été en 1870, ni que l’on soit exposé aux mouvemens désordonnés, aux ordres contradictoires, aux fausses manœuvres dont les compagnies ont eu tant à souffrir lorsque la nouvelle de nos premiers revers a répandu l’alarme dans le pays.

Quoi qu’il en soit, malgré les conditions très difficiles où les avait placées une brusque déclaration de guerre, les compagnies. ont rendu à l’état de grands services qu’il serait ingrat de méconnaître. Après avoir, au début de la guerre, transporté les troupes qui devaient former les armées du Rhin et de Châlons, elles ont amené à Paris près de 100,000 hommes de garde mobile et les immenses approvisionnemens qui ont permis de soutenir un siège de près de cinq mois ; elles ont opéré le départ précipité des nombreuses familles qui, à la veille de l’investissement, ont quitté la capitale. Après l’armistice, elles se sont trouvées immédiatement en mesure de ravitailler Paris affamé. Au 18 mars, nouvelle émigration parisienne, à laquelle elles ont fourni les moyens d’échapper à la commune, et cette activité ne s’est pas seulement exercée sur la portion du réseau qui avoisine Paris. Pendant sept mois, dans toute la France, les convois de troupes, de munitions et de vivres ont été incessans. La compagnie d’Orléans a transporté à elle seule, de juillet à décembre 1870, 1,500,000 hommes, 150,000 chevaux et 120,000 tonnes de matériel et d’approvisionnemens. Toutes les compagnies ont travaillé dans les mêmes proportions. Sur le théâtre même de la guerre et sous le feu de l’ennemi, elles ont grandement contribué à prolonger la défense, et elles ont mérité les témoignages reconnaissans des généraux, qui, grâce à leur concours, ont pu en plus d’une circonstance conserver des corps d’armée exposés à succomber dans une lutte trop inégale. — Le chemin de fer du Nord figure avec honneur dans le récit de la campagne soutenue par le général Faidherbe avec une petite armée qui se multipliait par la rapidité des mouvemens.

A Paris, durant le siège, alors que toute communication était interrompue avec le dehors, les compagnies ont fourni à la défense le talent de leurs ingénieurs et le travail de leurs ateliers. Elles ont fabriqué une partie du matériel qu’il fallait improviser pour compléter l’armement, — canons, batteries blindées, affûts, véhicules, objets d’équipement, — installé des moulins pour la trituration des grains nécessaires à l’alimentation, établi des ambulances ; c’est de leurs gares que sont partis les ballons qui, plus heureux que les locomotives, pouvaient franchir les lignes allemandes et porter à la province des nouvelles de Paris. Leurs ateliers ont été transformés en arsenaux, et même leurs gares en parcs à moutons ; en un mot, elles ne sont demeurées étrangères à aucun des efforts qui ont été