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promptement ces transports exceptionnels. Ce que les Allemands ont fait pendant la première quinzaine du mois d’août 1870 pour amener et concentrer leurs armées est beaucoup plus considérable. En 1859, presque toute la charge pesait sur la compagnie de Lyon-Méditerranée ; en 1870, le poids du transport se répartissait entre plusieurs lignes allemandes tracées parallèlement, qui ont pu, en moins de quinze jours, déverser sur les points de notre frontière compris entre Wissembourg et Forbach plus de 300,000 hommes avec une cavalerie et une artillerie très nombreuses. Une seule ligne n’aurait pas suffi. L’organisation du réseau allemand, avec ses voies multiples, s’est prêtée merveilleusement à ce grand effort, qui a préparé la victoire et l’a rendue décisive presque dès le premier choc. C’est ainsi que, la campagne une fois engagée, les mouvemens de troupes, à l’intérieur de l’Allemagne comme sur la frontière, se sont accomplis régulièrement, sans embarras, et que l’arrivée non interrompue des renforts a toujours assuré à notre ennemi la supériorité numérique.

Il est donc indispensable que la France reprenne l’étude de son réseau. Depuis quelques années, les grandes lignes étant construites, le gouvernement, le pouvoir législatif et les conseils-généraux ne se sont occupés que des lignes secondaires, destinées à desservir les régions adjacentes, ou des chemins d’intérêt purement local. Il ne s’agit pas d’abandonner les études ni les travaux qui ont été commencés ; mais les ressources de l’état doivent être principalement consacrées au complément stratégique des voies ferrées. Sur les frontières de terre, il faut absolument combler toutes les lacunes. La mutilation des chemins de fer de l’est, dont une partie appartient aujourd’hui à l’Allemagne en vertu du traité de Francfort, nous impose de ce côté des obligations très urgentes. Plusieurs de nos départemens ne peuvent plus communiquer entre eux qu’en empruntant des territoires qui ont cessé d’être français, d’où il résulte que leurs relations sont à la merci de l’étranger, notre ennemi d’hier, qui peut être encore notre ennemi demain. Il est inadmissible que l’on ne remédie pas sans le moindre retard à cet état de choses, et l’on assure qu’en effet l’administration a entrepris l’étude des lignes à établir pour relier directement les départemens atteints par la nouvelle délimitation des frontières. A l’intérieur, il importe de pousser plus activement la construction des voies circulaires qui doivent être combinées pour mettre en communication les grandes. lignes. C’est par ce moyen que les troupes, réparties entre les diverses régions du territoire, pourraient être amenées rapidement aux points où elles doivent être rassemblées pour l’attaque comme pour la défense. Enfin il convient d’examiner si les grandes lignes