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savantes se sont constituées dans une parfaite indépendance ; mais ces compagnies sont pauvres, et l’âme de plusieurs d’entre elles réside dans l’activité d’un seul membre. Des efforts dignes d’être loués sont condamnés à ne produire que de faibles résultats. L’indifférence des municipalités et des riches particuliers est une cause de torpeur, et l’inertie est la conséquence fatale du système d’éducation en usage. Partout règne une atmosphère alourdissante qui éteint l’énergie des esprits les plus actifs. Parfois un homme instruit et jouissant déjà d’une certaine renommée acquise par des travaux estimables quitte Paris pour aller prendre possession d’une chaire dans une faculté de province ; plein de cœur, il part animé de l’intention d’exécuter de grands projets. On lui a vanté le calme de la ville où il va établir sa résidence et où il échappera aux dérangemens qui affligent les habitans de la capitale. Le jour de l’installation est venu, le jeune professeur ouvre le cours, il s’entretient avec ses nouveaux concitoyens ; il a nourri l’espoir de les intéresser, il s’aperçoit qu’on l’écoute d’une oreille distraite, et que bientôt on s’écarte faute de comprendre. L’impression est douloureuse, peut-être n’amène-t-elle pas encore le découragement ; le savant songe à poursuivre des recherches : s’il obtient quelques beaux résultats, les encouragemens et les applaudissemens viendront de Paris et de l’étranger. Il se met à l’œuvre, nouvelle déception : des livres indispensables manquent, ainsi que des instrumens, que des collections. Il se jettera sur un sujet qui n’exige guère que l’observation de la nature ; il croit avoir découvert un fait intéressant, néanmoins il hésite : personne près de lui pour le renseigner, personne à qui communiquer les idées qui le préoccupent ; — pour la pensée, c’est le désert. Cependant l’investigateur ne se déconcerte pas, et le moment vient où un travail avec des planches ou des cartes est achevé : nouvelle torture, des moyens de publication convenables ne sont pas à la disposition de l’auteur. Est-il possible alors de ne pas prendre quelque dégoût ? On aime toujours l’étude, mais on ne cherche plus que la satisfaction personnelle ; on devait être un observateur profond ou un expérimentateur habile, on devient un simple contemplateur. Pourtant, malgré les conditions les plus fâcheuses, il se produit parfois encore des travaux, recommandables ; il faut admirer les hommes qui parviennent à vaincre une foule de difficultés, à s’isoler assez du monde pour donner leurs forces à la recherche et à la pensée sans souci d’aucune récompense ; — ce sont, il est vrai, des exceptions passablement rares. Il y a une douzaine d’années, un ministre, dont les intentions étaient excellentes, institua un comité qui reçut la mission de s’occuper des publications des sociétés savantes des départemens et de signaler les œuvres dignes d’être encouragées. Le