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jurisconsulte, un habile homme d’état, un homme heureux dans les affaires ou dans une profession quelconque, vous lui donnerez une éducation scientifique, solide et pratique ; vous lui ferez apprendre à observer les faits, à les généraliser, et par de telles inductions à tirer des règles sûres pour la conduite pratique. — La science moderne offre le moyen de culture intellectuelle le meilleur et le plus utile : la grande affaire de nos jours est de donner à la science dans l’éducation cette prééminence à laquelle elle a droit ; toute la carrière du comte de Rumford est un exemple frappant des résultats intellectuels que l’on peut espérer obtenir en procurant des connaissances scientifiques solides aux personnes des deux sexes. » Les idées heureuses tardent rarement à être adoptées dans les pays où chaque jour la nation est conviée avec une insistance croissante à profiter des avantages de la science. Selon toute probabilité, le temps est proche où l’Angleterre va réaliser une prodigieuse amélioration dans l’enseignement, donner une immense impulsion aux travaux de recherche, et surpasser, par la grandeur de l’exécution, l’œuvre qui se poursuit en Allemagne. En face du mouvement qui s’accentue avec tant d’énergie chez nos voisins, la France comprendra-t-elle qu’un intérêt puissant l’oblige à des efforts et à des sacrifices dont les fruits, du reste, ne se feraient point attendre ?


V

Lorsque des forces vives existent encore chez un peuple, elles produisent aisément de grands effets, si on sait les utiliser ; elles se perdent bientôt, si on les abandonne. A Paris même, on a déjà pu s’apercevoir dans le siècle actuel combien les travaux de l’intelligence se multiplient et se perfectionnent ou s’amoindrissent suivant l’accueil qu’ils reçoivent ; pour les autres villes de la France, l’expérience est complète. L’influence du milieu agit d’une manière absolue sur les hommes voués à la vie intellectuelle. Des ouvrages ont été écrits, des discours sans nombre ont été prononcés sur les inconvéniens de la centralisation extrême ; on a dit avec quelque raison : La vie se retire, la vie s’est retirée de nos provinces. En effet, l’esprit languit même dans les cités que le chiffre de la population pourrait faire compter parmi les capitales ; si l’activité règne, les intérêts matériels seuls se trouvent en jeu. Cette situation a été caractérisée presque d’un mot par des étrangers : — en France, il y a Paris, et après cela il n’y a plus rien. Si le gouvernement a essayé de faciliter les études dans la province en établissant des cours de haut enseignement dans les grandes villes, il ne donne pas les ressources nécessaires pour qu’une action considérable soit exercée. Le zèle de quelques personnes n’a pas fait défaut, des sociétés