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la langue anglaise soit encore si peu répandu parmi nous ? Si l’on s’en fiait aux programmes, on s’imaginerait qu’on apprend ces langues au collège ; mais il est permis d’en douter en voyant à peu près tous les jeunes gens incapables de se faire comprendre pour les choses les plus simples dans l’un ou l’autre de ces idiomes, et même de lire un livre ou une gazette. Parfois dans certaines familles nous voyons de très jeunes enfans qui ont appris l’anglais et l’allemand ; ils parlent sans effort, entendent tout ce qu’on leur dit, répondent à toutes les questions ; ils nous charment et nous étonnent par la facilité avec laquelle ils s’expriment indifféremment dans l’idiome maternel ou dans la langue étrangère. Placés an collège, ils oublient presque entièrement, et en quittant la maison scolaire ils emportent le souvenir d’avoir parlé allemand ou anglais lorsqu’ils étaient tout petits. Les Français étaient accoutumés à subir de la part des étrangers le reproche de ne pas savoir la géographie, et ils ne s’en inquiétaient pas le moins du monde ; maintenant, par un juste retour, les esprits clairvoyans se révoltent contre l’état d’ignorance où ils sont demeurés sous ce rapport. La géographie, quelle qu’en soit l’extrême utilité, compte à peine dans l’enseignement universitaire, car elle n’est pas l’objet d’un cours spécial ; le professeur d’histoire se charge d’apprendre aux élèves l’étendue et les bornes des états : une géographie des temps primitifs. Ce qu’on enseigne déjà dans beaucoup d’écoles étrangères, c’est la géographie moderne, — celle des naturalistes. La situation relative des pays importe sans doute, mais, cette situation étant déterminée, on doit s’occuper des climats, de la configuration du sol, des principales espèces végétales et animales qui caractérisent chaque région, des cultures et des ressources naturelles propres à chaque contrée. Qu’on emploie aux démonstrations des cartes et des objets qui frappent les yeux, on verra surgir des comparaisons instructives, apparaître des différences saisissantes, et l’esprit d’observation s’animer chez les élèves. A la place d’une nomenclature sèche, aride, rebutante, s’offre alors une étude pleine d’attrait qui procurera des notions ineffaçables, parce qu’ici mille incidens de la vie ramènent au sujet qui a captivé l’attention.

Les plus grands reproches qui puissent être adressés à l’Université, c’est de méconnaître le rôle nécessaire des sciences physiques et naturelles dans l’enseignement, de ne pas comprendre l’utilité de certaines connaissances scientifiques dans les diverses conditions sociales, de ne songer en aucune façon à produire les qualités solides que l’intelligence acquiert seulement par l’examen des faits et par des exercices pratiques. Quand partout on est frappé de la supériorité des hommes doués du talent d’observation, est-il croyable qu’on ne s’applique pas à développer ce talent chez les