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se contentait de favoriser les recherches et de porter à la plus grande perfection possible l’enseignement supérieur. Tant que la société ne sera pas préparée à comprendre l’utilité et l’importance des vérités mises en circulation, elle ne sera point entraînée. Il importe que chacun, au début des études, soit appelé à profiter des avantages d’une instruction scientifique.

Aux alarmes jetées à tous les vents par les hommes de science, qui se voient presque condamnés à l’immobilité faute de ressources indispensables à l’exécution de leurs travaux, — aux avertissemens semés de tous côtés au sujet de l’abandon des carrières scientifiques, on a répondu au commencement de l’année 1870 par la nomination d’une commission chargée d’émettre des vœux. On a demandé l’augmentation du nombre des professeurs dans les facultés de province et l’accroissement des moyens d’étude et de travail dans les principales villes de l’état ; les intentions sont parfaites, mais la situation actuelle semble ne pas avoir été reconnue. L’augmentation du nombre des chaires est réclamée lorsque souvent on éprouve de sérieuses difficultés pour avoir des professeurs capables d’occuper dignement les places qui viennent à vaquer. Une première nécessité s’impose : aider et encourager des hommes jeunes et intelligens à poursuivre des travaux de recherche, mettre les investigateurs en position de montrer par des œuvres originales qu’ils seront de véritables maîtres. Aujourd’hui des jeunes gens pleins de présomption prétendent enseigner avant d’avoir acquis la moindre autorité par des travaux estimables, et parfois on les écoute. On imagine qu’un homme simplement instruit par la lecture de certains livres et par des leçons orales peut être un professeur de science ; — c’est une déplorable erreur. En somme, dans les sciences nul n’est capable ou de réaliser un progrès ou d’instruire les autres, s’il n’a pas appris à étudier directement les faits, s’il n’a pas accompli quelque découverte ou un perfectionnement notable, en un mot s’il n’est pas devenu habile dans l’observation et dans l’expérience.

La puissance de l’esprit d’investigation est attestée par l’histoire du XVIe et du XVIIe siècle ; aussi la pensée se complaît aisément à remonter à cette époque de rénovation où le monde, fatigué des disputes stériles et convaincu de l’influence pernicieuse des sophistes et des rhéteurs, entend les voix qui convient à l’observation et demandent le recours à l’expérience. On admirera toujours les hommes passionnés pour la vérité qui les premiers, négligeant les opinions reçues sans contrôle, s’adonnèrent à la recherche, et firent de merveilleuses découvertes. C’étaient des contemplateurs de la nature saisis de la beauté de la création, des médecins étudiant l’organisation du corps humain et bientôt celle des animaux ;