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DU
POUVOIR CONSTITUANT


I

La révolution française nous a laissé en héritage un certain nombre d’axiomes politiques que des générations trop confiantes ont longtemps reçus comme des articles de foi ; nous ne sommes point guéris de cette idolâtrie. Il est encore un parti qui se dit républicain et se croit patriote en se faisant du passé une religion, en adoptant pour symbole ce mélange d’erreurs et de vérités qu’on nomme les principes de 1789. Cependant le monde a marché depuis quatre-vingts ans ; si nous ne valons pas mieux que nos pères, du moins faut-il reconnaître qu’une expérience chèrement payée nous a fourni des lumières qui manquaient aux disciples de Rousseau et de Mably. Aujourd’hui nous connaissons trop les besoins d’une société qui vit d’industrie et de commerce pour nous laisser séduire par des paradoxes qui ne pouvaient éblouir qu’un peuple dont les yeux s’ouvraient à la liberté. Nous ne croyons plus à ces Lycurgues improvisés qui changent les idées et les mœurs d’une nation avec quelques lignes écrites sur un morceau de parchemin, et ce n’est pas d’une vaine déclaration de droits que nous attendons le salut d’un peuple et la régénération de l’humanité. Loin de servir la liberté, ces dogmes surannés ne font qu’en retarder la marche et en compromettre le succès. Le moment est donc venu de les étudier froidement, sans autre souci que de chercher la vérité.

Parmi les principes de 1789, il en est beaucoup qui ont résisté à l’épreuve du temps et dont les bienfaits ont prouvé la solidité. L’égalité civile, la liberté religieuse, la liberté du travail, sont entrées dans nos mœurs et dans nos lois pour n’en plus sortir. Il est toutefois d’autres maximes qui n’ont jamais été appliquées sans traîner après