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de Justine une chapelle qui existait encore lorsque Eudocie composa son poème.


Telles étaient les nobles occupations que la fille de Léontius, dans les premières années de sa vie royale, sut mêler aux soins du rang suprême. Elle s’était fait, en dehors du monde bruyant du palais, une petite cour de littérateurs et de gens de goût, admirateurs fervens du poète et de ses vers. On comptait parmi eux l’Égyptien Cyrus, lui-même poète en renom, homme aussi distingué par le caractère que par le talent, et qui dut à la protection d’Eudocie d’arriver aux premières charges de l’empire, quoiqu’on le soupçonnât d’hellénisme ; mais le roi de ces douces et intimes réunions était l’ancien compagnon d’études du prince, aujourd’hui son ami, ce jeune Paulinus dont les conseils avaient décidé le mariage d’Athénaïs. A l’esprit le plus cultivé, Paulinus joignait, si l’on en croit l’histoire, une grande élégance de manières et une remarquable beauté. — L’impératrice, reconnaissante envers son paranymphe, comme elle l’appelait, le prit en grande faveur ; il devint en toutes choses son confident et son conseiller. Pulchérie, dont l’esprit n’était pas moins cultivé, quoique son penchant la portât vers des méditations plus sérieuses, prenait plaisir à ces réunions, et il paraît qu’elle ne sut pas se soustraire au charme qui environnait Paulinus. L’amour se glissa avec ses déboires et ses déceptions dans cette intimité créée par le goût des lettres, et l’austère épouse du Christ regretta plus d’une fois peut-être le sacrifice qu’elle s’était imposé dans un élan d’amour fraternel, bien mal récompensé, comme on le verra.

Les six années qui suivirent la guerre de Perse, de 422 à 428, furent favorables à l’empire d’Orient. Théodose II eut même la bonne fortune de replacer sa famille sur le trône d’Occident, dont un usurpateur s’était emparé à la mort d’Honorius. Sa tante Grata Placidia, fille du grand Théodose, se trouvait alors à Constantinople, exilée avec sa fille Honoria et son fils, qui fut Valentinien III. Théodose la fit reconduire en Italie par une armée après avoir fiancé sa fille Eudoxie au jeune Valentinien. Cet enfant avait alors cinq ans, Eudoxie n’en avait que deux, et le mariage fut célébré lorsqu’ils eurent atteint l’âge nubile. Tout semblait prospérer autour de Théodose. La tranquillité régnait dans l’empire, la paix aux frontières, la concorde au palais ; le tourbillon des querelles religieuses se leva et emporta tout cela du même coup : Nestorius débutait, et Eutychès n’était pas loin.


AMÉDÉE THIERRY.