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le mariage de l’air avec l’éther ou le ciel, et l’accord des trois élémens, l’eau, la terre et l’air, pour former l’unité du monde. Artémis la Laconienne lui enseigna comment la matière, d’abord confuse, s’était ensuite divisée pour fournir les principes de tout ce qui existe ; « il y reçut encore, ajoute-t-il dans sa confession, d’autres révélations sublimes qu’il est à peine permis de redire. »

En Phrygie, où le cercle de ses courses l’amenait, il étudia l’aruspicine ; il apprit à lire l’avenir dans des entrailles palpitantes, il sut par quels procédés les peuples de Scythie pronostiquent sur le cri des oiseaux et leur vol dans l’air, sur le hennissement et l’allure des chevaux, sur les craquemens du bois et de la pierre, sur le grincement des portes. Il entendit la voix des morts au fond des sépulcres, découvrit les causes des maladies naturelles ou jetées par des sorts, connut les différentes classes de démons qui président à nos maux, et les conjurations qui lient entre eux ces fils de l’enfer. Il avait vingt ans quand le grand sanctuaire de l’Égypte, Memphis, lui ouvrit ses asiles redoutables ; il put y contempler des monstres hideux et sans nom dont l’aspect l’épouvanta. Il vit s’opérer la transmigration des êtres à l’aide des démons, l’accouplement des esprits de ténèbres avec les dragons, d’où naissent les passions et les crimes de la terre ; il vit enfin comment s’engendrent les fantômes qui terrifient les hommes et n’ont rien de réel, « car, dit-il, les démons ne créent point, ils ne peuvent que singer les formes véritables et permanentes qui émanent du verbe divin, seul créateur ; les images qu’ils nous présentent, ainsi que les richesses qu’ils nous octroient, ne sont que mensonge et fumée… » De l’Égypte, Cyprien se rendit dans l’Inde, où il fut témoin de prodiges « incroyables et horribles à voir ; » mais ni le poème ni la légende ne s’expliquent sur les mystères de l’Inde, ce qui prouve qu’on savait en Grèce peu de chose sur la religion de cette partie de l’Orient.

Au contraire il parle longuement des sciences sacrées que cultivait la Chaldée. Les devins de Babylone et de Suse lui enseignent la loi des nombres qui guide le chœur des astres dans ses évolutions et préside aux destinées des hommes. On lui montre les trois cent soixante-cinq démons directeurs de chacun de nos jours ; il assiste à leurs conseils, il connaît les conjurations et les pactes indissolubles qui les attachent les uns aux autres. Organisés comme des armées sous un chef, ils exercent sur la terre une action combinée dont l’inspiration est au fond de l’Érèbe. Il sait les distinguer tous par leurs noms, par leurs attributs, par le degré et le mode de leur puissance ; mais il lui reste à connaître leur chef, leur roi, le grand démon, qui ne se révèle qu’aux plus pervers. À force d’incantations, à force de sacrifices horribles, il oblige ce chef, ce