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enchères : à qui la Macédoine, à qui le Pont, la Bithynie, l’Illyrie ? et que très souvent, lorsqu’une seule province n’était pas une assez riche proie pour la mise à prix, on en livrait plusieurs au même adjudicataire. « Le nouveau gouverneur, qui avait mis toute sa fortune dans son enjeu, continue le même écrivain, cherchait naturellement à la recouvrer avec usure par des concussions de tout genre, pillant les villes, vendant la justice, confisquant les biens des plaideurs, en un mot profitant du temps de sa charge pour dévaster son gouvernement. » Alors, suivant le même Eunape, commençait l’action de l’état. Des plaintes lui arrivaient sur la gestion de son fonctionnaire, au besoin même il les provoquait ; une enquête avait lieu, et le magistrat prévaricateur se voyait condamné à rendre gorge. Il s’en allait ruiné, mais la province ne l’était pas moins, et quant aux gens dépouillés, ils n’avaient de recours contre personne. Assurément c’eût été là une manière commode de lever des emprunts forcés. Voilà ce que nous dit Eunape, et il ajoute : « Si du temps du Scythe Anacharsis on pouvait dire que les lois étaient une toile d’araignée que les grosses mouches emportent en la traversant, on doit dire maintenant qu’elles ne sont que de la poussière qui se dissipe au moindre vent. » Nous ferons remarquer que c’est là le dire d’un ennemi acharné des princes chrétiens, dont pas un seul n’a trouvé grâce à ses yeux. Il est possible que, malgré l’esprit de sévère équité qui fit le cachet du gouvernement de Pulchérie, Quelques faits pareils se soient passés dans quelque province et de la part de quelque eunuque, tant la corruption était invétérée au sein de l’administration romaine ; mais ce qu’on a le droit de repousser comme une calomnie, c’est une généralisation de ces crimes qui rejaillirait sur le gouvernement tout entier. L’histoire des faits serait là pour la démentir formellement. Elle peut cependant reprocher avec justice à la fille d’Arcadius son extrême faiblesse vis-à-vis des chefs de l’épiscopat, — l’impunité où elle laissa parfois des actes odieux quand on invoquait pour les couvrir l’intérêt de l’église ou la religion. Des événemens passés en 415 dans la ville d’Alexandrie en fournissent une preuve trop éclatante.


II

Alexandrie avait alors pour évêque et l’Égypte pour patriarche Cyrille, neveu de ce Théophile qui avait joué un si déplorable rôle dans la persécution de Jean Chrysostome. Les vices de l’oncle continuaient à fleurir sous la tiare patriarcale du neveu : c’étaient la soif ardente de l’or et de la domination, le mépris de toute équité, la haine de quiconque entreprenait de borner son pouvoir, car il