Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/733

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du palais fut celui de l’empereur, de la cour et des ministres : ici le tourbillon du monde et des affaires publiques, là le calme, la prière et les austérités du cloître. Au lever du soleil, Théodose se rendait près de ses sœurs pour faire la prière en commun ; on chantait des hymnes et des psaumes par chœurs alternatifs, et on lisait soit l’Écriture, soit les ouvrages des pères. Théodose prit à ces exercices le goût de la théologie ; il se mit à disputer à tout propos avec les évêques et les clercs, et, ce qui valait mieux, il réunit une nombreuse bibliothèque de livres ecclésiastiques, alors fort chers et fort rares, ce qui le fit proclamer par ses flatteurs un Ptolémée chrétien. Pulchérie de son côté se livrait avec amour aux études de l’exégèse, de sorte que le palais tout entier, les eunuques et la cour compris, ne raisonnèrent plus que théologie ; mais, tandis qu’Augusta cherchait dans ses lectures une règle sûre pour diriger sa foi à travers le labyrinthe des opinions controversées, Théodose n’y puisait qu’une confiance exagérée en lui-même et ce désir de tout juger, de tout régler, qui devait le rendre un jour le fléau de l’église.

Cette vie monacale était dans le goût du siècle, et les historiens qui nous la racontent le font dans les termes les plus admiratifs. Ils attribuent même à la piété de Pulchérie et aux révélations qu’elle recevait de Dieu sur la direction de son gouvernement la prospérité de l’empire d’Orient, si tranquille sous un enfant, tandis que celui d’Occident, conduit par un souverain d’un âge mûr, était en proie aux misères réunies de la guerre intérieure et de la guerre barbare. Quand le temps des affaires était venu, la régente s’arrachait à sa pieuse séquestration pour aller au palais, où se réglaient en sa présence les plus graves intérêts. « Elle était, dit un historien du temps, juste et sagace dans le conseil, prompte dans l’exécution. » Thédose étudiait près d’elle le maniement des choses politiques, et il faut le dire, tant qu’il resta sous la main de cette sage gouvernante, il donna les plus grandes espérances pour l’avenir de son règne. Beaucoup de mots qu’on citait de lui semblaient annoncer un Titus ou un Marc-Aurèle chrétiens. Un jour qu’il avait été assailli à l’improviste par un furieux qui voulait le tuer, il empêcha qu’on ne te tuât lui-même. « Rien n’est plus aisé, dit-il, que d’enlever la vie à un homme ; mais la lui rendre, Dieu seul le peut. » Il montrait une extrême répugnance à signer un arrêt de mort, et pendant longtemps aucune exécution capitale n’eut lieu à Constantinople ; le condamné trouvait à la porte où se faisaient les exécutions une commutation de peine ou sa grâce. Les combats de gladiateurs étaient pour lui un objet d’aversion, et il ne les autorisa jamais par sa présence. Un jour qu’il assistait à un combat de bêtes dans l’amphithéâtre, le peuple ayant demandé qu’on fît venir un gladiateur pour mettre à la raison