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des lettres onciales qui formaient en même temps des caractères alphabétiques et des tableaux. Le jeune empereur y acquit une supériorité d’exécution qui lui valut le surnom de calligraphe, que lui donne parfois l’histoire, en quoi elle le distingue du grand Théodose, son aïeul, qui écrivait peut-être mal, mais qui se battait bien.

Pulchérie assistait habituellement à ces exercices, donnant son avis et distribuant selon les cas l’éloge ou la réprimande. Elle avait réservé pour elle-même les leçons de savoir-vivre et de bonne tenue, indispensables à un souverain. « Elle enseignait à son frère, disent les contemporains, à conserver en public un maintien digne et grave, à régler les plis de son vêtement, à marcher, à s’asseoir d’après les règles de la convenance, à composer son visage et sa voix, à se montrer enfin suivant les circonstances sévère ou bienveillant. » Ces leçons réussirent mieux que la plupart des autres, et Théodose fut pour le public un prince accompli. Son extérieur au reste prévenait en sa faveur. « Il était de taille moyenne, mais bien prise, nous dit un historien ; ses cheveux et sa barbe étaient blonds, couleur fort prisée des Romains, surtout en Orient, et de ses yeux, un peu à fleur de tête, sortait un regard vif et perçant. »

Par cette sollicitude maternelle, par ce dévoûment de chaque heure et de chaque instant, Pulchérie eût cru n’avoir rien fait, si elle ne se fût sacrifiée elle-même plus directement. Elle résolut de ne se point marier, de peur que son mariage n’amenât au sein de la famille impériale des rivalités et des ambitions qui la divisassent, ce qui ne s’était vu que trop souvent dans l’histoire des césars. En se vouant au célibat, la vaillante fille croyait se vouer à la gloire de son nom et à l’affermissement du trône impérial dans la maison de Théodose, dont l’enfant qui régnait sous sa tutelle était le dernier rejeton. Non-seulement elle fit le vœu de virginité perpétuelle, mais elle obligea ses sœurs Arcadia et Marina à faire comme elle. Et pour que son engagement fût plus irrévocable en quelque sorte, elle le fit graver sur une table de marbre ornée d’or et de pierreries, dont elle fit don à la grande basilique de Constantinople pour y servir d’autel. On eût dit que la fille d’Eudoxie, redoutant un de ces élans passionnés qui avaient rempli la vie de sa mère, prenait ses précautions contre un regret possible de sa vocation en appelant à son aide l’opinion du monde en même temps que la crainte de Dieu. Une fois son vœu prononcé, elle s’arrangea avec ses sœurs pour vivre en recluses : une moitié du palais laissée à leur disposition fut disposée monastiquement ; leurs chambres, leurs habits, leurs repas, l’emploi de leurs journées, tout fut ordonné ou à peu près suivant la règle des couvens. Leur quartier fut le quartier des vierges-reines, c’est ainsi qu’on les appela ; de l’autre côté