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rare mérite et bien connu dans les provinces syriennes. Le conseil de régence l’accepta, comme il le devait, par déférence pour Iezdjerd ; il vint et entra en fonctions près du prince. Sa réputation du reste était bien acquise, et les Romains eux-mêmes le déclarèrent admirable ; mais on ne tarda point à s’apercevoir que ce pédagogue était un adroit politique, et que, tout en formant l’esprit de son élève, il cherchait à s’en rendre maître, observant tout et se mêlant de beaucoup de choses étrangères à ses fonctions. Pulchérie, un peu plus tard, crut prudent de l’éloigner ; mais Antiochus avait déjà mis la main sur son faible élève, et, s’il partait pédagogue, il revint ministre : on voit que Iezdjerd, tout en songeant aux intérêts de son pupille, n’avait pas négligé les siens.

La régence d’Anthémius fut marquée au coin d’une grande prévoyance et d’une grande activité administratives ; tout dépérissait sous Arcadius, il essaya de tout relever. Il ne fît point la guerre ; mais il mit l’empire en état de la soutenir sur toutes ses frontières. Deux flottilles de guerre et de transports furent organisées sur le Danube : l’une de cent navires en Mésie, l’autre de cent vingt dans la province de Scythie, et toutes les villes de cette région réparèrent ou reconstruisirent leurs murailles. Constantinople elle-même, devenue par le malheur des temps presque une ville frontière, vit son enceinte reculée et rebâtie : l’ancienne muraille qui datait de Constantin tombait en ruines ; la nouvelle fut construite plus élevée et flanquée de tours plus spacieuses. Malgré les bonnes relations de l’empire avec la Perse, les places riveraines de l’Euphrate et du Tigre furent également remises en état de défense. Les subsistances appelèrent surtout sa sollicitude, car les récoltes avaient manqué pendant plusieurs années dans la plupart des provinces d’Orient, et il ne s’agissait plus, pour avoir du pain, de stimuler la bonne volonté des boulangers en les fustigeant en place publique, comme cela se pratiquait à Antioche et à Constantinople ; il fallait assurer pour cette dernière ville l’arrivage régulier des blés d’Égypte. Or une compagnie d’armateurs syriens, adjudicataire des transports de l’annone, avait négligé de tenir sa flottille au complet, de sorte que le service se faisait mal ou ne se faisait pas. Anthémius usa de rigueur envers elle, et passa un marché à forfait avec des négocians d’Alexandrie et des îles voisines de l’Égypte, marché qui fut strictement rempli. Ces mesures conjurèrent, du moins dans la ville impériale, les maux de la famine, toujours unis à ceux de la sédition. Anthémius travaillait en même temps à épurer l’administration, dont il connaissait par expérience les vices invétérés ; ainsi il renouvela les lois qui ne permettaient pas aux gouverneurs ou préfets d’exercer leurs fonctions dans leur patrie