Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/725

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je remarque que les journaux de Metz entreprennent des discussions politiques qui sont tout à fait hors de saison dans la situation actuelle de la ville. L’union complète de tous les hommes de cœur peut seule assurer l’honneur de nos armes et la conservation de la place. Toute récrimination politique, toute attaque malveillante, tout appel aux mauvaises passions, tout brandon de discorde jeté parmi nous serait une véritable trahison. Je viens donc vous prier, monsieur le préfet, de réunir tous les rédacteurs en chef des journaux de Metz et de leur dire que je compte assez sur leur patriotisme pour être assuré qu’ils éviteront les dangers que je viens de signaler. Ce ne serait qu’avec le plus grand regret que je serais forcé d’user de rigueur envers ces messieurs, qui peuvent, en ce moment, rendre de véritables services en prêchant la persévérance, la concorde et l’énergie. » Voilà de quelle manière j’entendais les devoirs des journaux, que j’avais déjà exonérés de l’impôt du timbre.

A la page 439, je vois se reproduire cette assertion : j’ai proclamé le 14 octobre que la place se défendrait jusqu’à la dernière extrémité, et que l’armée irait droit à l’ennemi en lui disant : c’est un duel à mort, tandis que plus tard j’aurais dit qu’il fallait préparer la population à son malheureux sort. Cette contradiction est plus apparente que réelle, et l’explication est bien simple. Le 10 octobre, le maréchal avait décidé que l’armée sortirait, avec les honneurs de la guerre ou par la force. Je pouvais donc affirmer publiquement que la place, enfin livrée à elle-même, se défendrait avec la plus grande énergie ; mais plus tard, après le retour du général Boyer, j’ai bien vu que tout espoir s’évanouissait, que nos ressources s’épuisaient très rapidement, et j’ai bien pu dire qu’il était plus loyal de préparer la population à la catastrophe que de la bercer de fausses espérances. Ai-je bien ou mal fait ? C’est une question d’appréciation. Toujours est-il que je crois avoir agi sagement en gardant le silence tant qu’il restait quelque espoir ; jusque-là je devais me borner à soumettre mes observations au général en chef. Que n’eût-on pas dit si j’avais signalé publiquement le danger avant qu’il fût réel et inévitable !

Enfin nous lisons à la page 440 : « On avait essayé vainement d’intimider la population de Metz en lui faisant entrevoir à plusieurs reprises, etc. » Cette appréciation est complètement erronée. Je n’ai jamais eu la pensée d’intimider la population de Metz, qui n’a cessé de manifester les plus fermes résolutions. Il est vrai qu’en prévision du départ de l’armée j’ai donné des ordres pour organiser le service des pompiers, et que, par prudence, je n’ai pas voulu attendre au dernier moment pour connaître les ressources dont nous pourrions disposer pour éteindre les incendies ; mais je crois que ces précautions étaient bonnes et même indispensables, car nous savions déjà que les Prussiens