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Le lendemain de l’échec de Forbach, j’ai refusé à M. Magnin, membre du conseil général, d’adresser une circulaire aux habitans des campagnes pour les engager à faire entrer dans Metz leur bétail et leurs denrées. Je n’ai aucune souvenance de cette conversation avec M. Magnin, et je suppose qu’il doit y avoir quelque erreur, car l’affaire de Forbach est du 6 août, et ma nomination date du 7 ; — mais ce dont je me souviens parfaitement, et ce que je peux prouver par mes lettres, c’est que M. Bouchotte, membre du conseil municipal et l’homme de Metz le plus compétent en fait de céréales, m’assura, dans le principe, que les négocians feraient entrer 22,000 quintaux de blé dans la ville, quoique la récolte ne fût pas terminée. Les prévisions de M. Bouchotte se sont exactement réalisées, et on aurait le plus grand tort de croire que la place a succombé parce que ses propres ressources étaient insuffisantes.

« Trois cents moutons qu’un cultivateur de Thiaucourt proposait d’introduire à Metz ne furent point acceptés. » Est-il possible de supposer que, lorsque des milliers de paysans se précipitaient pêle-mêle dans la place, et qu’il était matériellement impossible de s’opposer à ce flot d’émigrans, on ait interdit l’entrée de 300 moutons ? Nous lisons à la page 436 qu’un arrêté insuffisant prescrivait de ne laisser entrer dans la place que les paysans qui apportaient avec eux pour quarante jours de vivres, et que cet arrêté même ne fut pas exécuté sévèrement. L’arrêté dont parle ici M. Mézières n’est autre chose qu’un avis publié sur mon ordre par M. le préfet aux habitans de la Moselle, pour les prévenir qu’on ne laisserait entrer en ville que ceux qui seraient pourvus de quarante jours de vivres au moins ; — ceci prouve qu’on ne voulait refuser ni denrées ni moutons, et si cet avis n’a pas été rigoureusement suivi, c’est que la masse de gens qui fuyaient devant l’invasion violait les consignes et forçait le passage des portes confiées à la garde nationale et à notre jeune garde mobile. M. Mézières oublie d’ajouter qu’un second arrêté du commandant supérieur en date du 12 août interdisait complètement l’entrée de la ville aux gens qui venaient du dehors. En même temps des ordres étaient donnés pour l’expulsion des nombreux sujets allemands. Nous ne pensons pas que l’autorité militaire pût faire plus.

Aux pages 438 et 439, il est dit que la presse était soumise à une censure rigoureuse, qu’on supprimait les articles empreints d’ardeur patriotique, et que les rôles étaient renversés, puisque les habitans demandaient le combat à outrance, tandis que l’autorité militaire les en détournait. En ce qui concerne le commandant supérieur, je repousse cette accusation. Mon opinion sur le rôle de la presse de Metz se trouve d’ailleurs très explicitement exprimée dans la lettre suivante que j’adressais le 4 septembre à M. le préfet de la Moselle : « Monsieur le préfet,