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comme écrasées sous le joug d’un commandement absolu, et tantôt vous leur attribuez l’initiative et le mérite exclusif de toutes les mesures qui ont été prises. La vérité est que toutes ces décisions ont été concertées entre le maire et le commandant supérieur, et que l’entente la plus parfaite n’a pas cessé de régner entre eux. Ce n’est que dans quelques cas extrêmement rares que le maire s’est adressé directement au maréchal.

On me reproche, page 435, de n’avoir pas, dès le principe, institué le comité de surveillance des approvisionnemens, et on persiste à supposer, par ignorance bien excusable des règlemens militaires, que ce comité a pour mission d’assurer les vivres, tandis qu’il a seulement pour but de visiter les magasins de la place pour s’assurer qu’ils sont bien tenus, de veiller à ce que les approvisionnemens soient placés dans des locaux favorables à la conservation, et à ce que les denrées soient manutentionnées avec soin ; mais ce comité, non plus que le conseil de défense, n’ont de raison d’être que lorsque le commandant supérieur, livré à lui-même, dispose de toutes les ressources de la place. Nous allions nous trouver dans cette situation par suite des résolutions prises le 10 octobre, et c’est pour ce motif que j’instituais immédiatement le conseil de défense et le comité des approvisionnemens, ainsi que je l’eusse fait, si l’armée était partie après Gravelotte, ou dans toute autre circonstance.

On blâme l’ordre donné par le maréchal de distribuer du blé aux chevaux, et on affirme que cette mesure a fait perdre 16,000 quintaux de grain. L’ordre du maréchal est du 13 septembre et porte ce qui suit : « Le blé sera employé à la nourriture des chevaux en le mélangeant soit avec du seigle, soit avec de l’avoine, et à défaut de seigle ou d’avoine en distribuant du son par voie de substitution à du blé, à poids égal et dans la proportion maximum d’un dixième. » Je réclamai immédiatement contre cette mesure, et le maréchal s’empressa de me répondre qu’il prenait en sérieuse considération les observations contenues dans ma lettre n° 758, et qu’il donnait des ordres en conséquence.

Quant à la quantité de blé perdue, il y a une grande exagération dans l’appréciation de M. Mézières, et, quoiqu’il ne m’appartienne pas d’expliquer une décision contre laquelle j’ai réclamé, je regarde comme un acte de justice, comme une preuve des idées préconçues de quelques habitans de Metz, de faire les rectifications suivantes : on donnait aux chevaux environ 35,000 rations ; la ration moyenne était de 3 kilogrammes, soit donc 105,000 kilogrammes, dont le dixième en blé est de 10,500 kilogrammes. En admettant, ce qui est certainement au-dessus de la vérité, que ce régime ait été maintenu pendant cinq jours, on arrive à 52,500 kilog. de blé ou 525 quintaux au lieu de 16,000 quintaux accusés par M. Mézières, et cette ressource pouvait assurer le pain de la ville, non point pour un mois, mais seulement pour un jour.